J'ai perdu mon corps
Jérémy Clapin (2019)
Après plusieurs occasions ratées, j'ai enfin pu voir la sensation de l'année 2019 dans le domaine du cinéma d'animation à savoir "J'ai perdu mon corps". Il s'agit effectivement d'une oeuvre qui sort de l'ordinaire. Si j'ai une réserve sur le scénario qui aurait mérité un substrat plus solide et une narration plus rigoureuse, on participe à une expérience sensorielle de premier ordre avec un monde vu partiellement à la hauteur d'une main coupée. La référence à "L'Homme qui rétrécit" de Richard Matheson est pertinente dans le sens où cette amputation est à la fois une calamité et une chance, en permettant de voir le monde autrement. La main qui traverse la ville pour retrouver son propriétaire doit affronter de multiples dangers qui font l'objet de moments inventifs, aussi bien en terme esthétiques que de mise en scène*. La parcellisation du corps est d'ailleurs ce qui donne au film ses meilleures séquences à l'image de celle où Naoufel (le propriétaire de la main) rencontre Gabrielle par l'intermédiaire d'un interphone. Naoufel étant obsédé par les sons qu'il enregistre et répertorie un peu à la manière de l'ingénieur du son joué par John TRAVOLTA dans "Blow Out" (1981) de Brian DE PALMA, il est logique qu'il tombe amoureux d'une voix. Dommage que son mystère (et la poésie qui va avec) se dissipe un peu trop rapidement à mon goût alors que les maladresses de Naoufel qui cumule les handicaps (orphelin, déraciné, inadapté) auraient gagné à être traitées sur une plus grande variété de ton et approfondies**. Il s'agit donc d'un film perfectible mais prometteur.
* Evidemment la référence dans le domaine de l'animation en matière de traversée dangereuse pour cause d'échelle disproportionnée reste "Toy Story 2" (1999).
** La main coupée renvoie aussi bien à la chose de "La Famille Addams" (1992) qu'à la castration symbolique présente dans Star Wars.
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