Gosses de Tokyo (Otona no miru ehon - Umarete wa mita keredo)
Yasujiro Ozu (1932)
"Gosses de Tokyo" est le vingt-quatrième et dernier film muet réalisé par Yasujiro Ozu en 1932. Contrairement aux films muets occidentaux, il n'y a pas d'accompagnement musical pour briser le silence ce qui peut être déconcertant pour un néophyte. D'ailleurs lors des projections, les spectateurs bénéficiaient des commentaires d'un bonimenteur qui animait la séance.
"Gosses de Tokyo" frappe par ses qualités d'observation et la précision de sa mise en scène qui restitue dans les moindres détails aussi bien la rigidité des codes sociaux japonais que le naturel désarmant de gamins qui singent leurs aînés tout en se rebellant contre eux. Le film oppose ainsi le monde des enfants à celui des adultes en étant centré sur deux frères qui font les "Quatre cent coups" parce qu'ils rejettent le modèle paternel. Le regard de Ozu, bienveillant avec les enfants s'avère cruel pour leur père. Quelques plans burlesques suffisent à déboulonner la statue patriarcale, l'homme important s'avérant être le ridicule pantin servile d'une comédie sociale dont Ozu montre les ficelles comme le faisait à la même époque Jean Renoir dans "La Règle du jeu". Mais le style Ozu est beaucoup plus proche du néoréalisme et de la nouvelle Vague que de la théâtralité du film de Renoir. Son aspect sociologique déborde d'ailleurs l'étude des rapports hiérarchiques au travail ou dans la famille (la mère est un modèle de soumission comme il se doit) pour montrer l'étalement urbain au travers d'un paysage de banlieue encore très campagnard colonisé par les pavillons et parcouru par une voie ferrée, les passages des trains ponctuant le récit.
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