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Les Etreintes brisées (Los abrazos rotos)

Publié le par Rosalie210

Pedro Almodovar (2009)

Les Etreintes brisées (Los abrazos rotos)

 "Les Etreintes brisées" est un film sur le cinéma, celui qui a nourri Pedro Almodovar mais aussi celui qu'il a créé. En effet il s'autocite (ou plutôt s'autoparodie) dans la mise en abyme du tournage de "Filles et valises" qui est un remake inavoué de "Femmes au bord de la crise de nerfs" utilisant le même format et dans lequel rien ne manque, ni le lit brûlé, ni le gaspacho aux somnifères, ni le dangereux séducteur, ni Rossy de Palma qui vient faire un cameo comme d'autres actrices emblématiques du cinéaste. Par exemple dans "Les Etreintes brisées", Lola Duenas n'est pas doubleuse comme l'était Carmen Maura dans "Femmes au bord de la crise de nerfs" mais elle lit sur les lèvres ce que dit Lena (Penelope Cruz) pendant le tournage de "Filles et valises" et le rapporte à Ernesto, son amant jaloux qui la soupçonne de le tromper avec le réalisateur, Mateo Blanco. Ernesto la fait donc filmer à son insu entre les prises par son fils, Ernesto junior. Car "les Etreintes brisées" y va aussi à fond dans la pulsion scopique façon Hitchcock ou De Palma ou Powell ("Le Voyeur" est cité explicitement et Léna porte même des yeux comme motif sur ses boucles d'oreille). Sauf que si Ernesto senior est le macho type qui n'hésite pas à pousser Lena dans les escaliers pour qu'elle n'appartienne pas à un autre, son fils qui reste longtemps sous son emprise est un gay mal dans sa peau qui va peu à peu affirmer le caractère réparateur de sa caméra et s'émanciper de la tutelle de son père (au point de changer de nom pour le pseudo "Ray X"). C'est grâce à son film et à la confession de Judit, l'agent de Mateo Blanco qui a préservé les bobines de "Filles et valises" au nez et à la barbe d'Ernesto que celui-ci va sortir des limbes en tant que réalisateur. En effet son accident d'automobile en le privant de la vue et de sa muse l'avait dépossédé de son identité, ne lui laissant que son pseudo d'écrivain de séries B, Harry Caine. Enfin c'est Mateo qui sort Lena de son statut de prostituée en la transformant en icone, mi Audrey Hepburn, mi Marilyn Monroe (et lorsqu'il a perdu la vue, on découvre qu'il est également très sensible à la voix de Jeanne Moreau). Une icone dont l'amour pour Mateo est immortalisé par le film d'Ernesto junior qui comme Mateo Blanco est un double d'Almodovar (dans un parallèle avec "Voyage en Italie" sur les amants de Pompéi dont l'étreinte éternelle tranche avec l'éloignement du couple formé par Ingrid Bergman et George Sanders.) "Les Etreintes brisées" est donc un mélodrame sirkien redoublé par un méta-film en forme de labyrinthe mental peut-être un peu trop cérébral et sophistiqué mais néanmoins très intéressant à suivre.

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