Le mystérieux Dr Korvo (Whirpool)
Otto Preminger (1949)
Moins connu que "Laura" (tout simplement parce que ce n'est pas un chef d'œuvre ni même un très bon film), "Le mystérieux docteur Korvo" tourné cinq ans après en constitue pourtant le prolongement. Une intrigue de film noir sur un fond psychanalytique (qui était alors à la mode à Hollywood, on la retrouve à la même époque chez Lang, Hitchcock etc.), un triangle amoureux ayant pour sommet la sublime Gene Tierney dont c'était la deuxième collaboration avec Otto Preminger, une ambiance onirique dans un appartement où trône un grand portrait de femme, un personnage en clair-obscur sous l'emprise d'un criminel, des mouvements de caméra à la grue d'une grande élégance. Ainsi la séquence où Ann Sutton (Gene Tierney) se rend sous hypnose dans la demeure de Theresa Randolph (Barbara O'Neil) est un rêve éveillé qui ressemble beaucoup à celle où l'inspecteur découvrait Laura. Comme ce dernier, le film interroge le malaise de la femme (aisée) dans la société patriarcale américaine.
Mais le film souffre d'un scénario franchement bancal et de personnages mal définis (à l'exception de celui de Ann Sutton). Si José Ferrer dans le rôle de l'hypnotiseur machiavélique a beaucoup de charisme (il me fait penser à Vincent Price, autre acteur utilisé chez Preminger ou chez Mankiewicz pour assoir sa domination sur Gene Tierney), son personnage n'a aucune profondeur. Mais le pire reste l'époux (Richard Conte), un grand psychanalyste qui apparaît aussi benêt que monolithique. Il ne soupçonne pas un instant les tourments de sa femme et rien ne semble l'atteindre (l'interprétation est catastrophique, rendez-nous Dana Andrews!) Par ailleurs trop d'invraisemblances rocambolesques dénaturent le film en le rapprochant d'un feuilleton fantastique de série Z. Le Dr Korvo possède des pouvoirs quasi magiques qui lui permettent d'envoûter sa victime mais aussi lui-même au point de ne plus ressentir de souffrance. En même temps le scénario essaye d'expliquer (laborieusement) de façon rationnelle que ses prétendus pouvoirs relèvent de la charlatanerie. Heureusement que le scénario (écrit pourtant par Ben Hecht qui n'était pas un second couteau) ne fait pas tout dans un film qui reste mineur mais très agréable à regarder.
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