Jeux interdits
René Clément (1952)
Une balade mélancolique et déchirante, une petite fille qui serre le cadavre de son chien dans ses bras et ne veut pas le lâcher, une cimetière de petits animaux composé à partir des croix arrachées aux tombes humaines: "Jeux interdits" parle de la mort à hauteur d'enfant avec une sensibilité admirable. Une mort omniprésente tout au long du film. La seconde guerre mondiale était alors encore toute proche et le monde rural très pauvre et frustre dépeint par René Clément, encore une réalité. Car la rencontre de Paulette, la petite parisienne (Brigitte Fossey, bouleversante) et de Michel le petit campagnard (Georges Poujouly, tout aussi émouvant)*, c'est aussi celle de deux expériences d'enfants confrontés à la mort. Le début dépeint dans un style quasi documentaire le drame de l'Exode de 1940 avec ses bombardements aveugles destinés à provoquer la panique et à empêcher les renforts militaires de parvenir jusqu'au front. C'est ainsi que Paulette se retrouve brutalement privée de ses parents et de son chien qu'elle ne se résout pas à abandonner. Elle est recueillie par la famille de Michel, plus pour des histoires de rivalités avec leurs voisins que par compassion. Il faut dire que le mode de vie de ces paysans est rude et qu'ils sont habitués à la mort comme le montre l'exemple du grand frère de Michel (qui n'est d'ailleurs ni hospitalisé, ni même soigné, ce qui souligne le dénuement des campagnes où le seul repère est la religion catholique). Mais face à cette terrible réalité, les deux enfants qui s'attachent viscéralement l'un à l'autre se créent un monde à eux, à l'écart de l'horreur où ils peuvent apprivoiser la mort, la ramener à leur hauteur, quitte à transgresser les lois. Le film devient alors une série de moments de pure grâce poétique dans la lignée de "La Nuit du chasseur" ou "Du silence et des ombres". La terrible séquence de fin montre crûment la violence faite aux enfants lorsqu'ils sont arrachés à leur monde pour être plongés dans celui, froid, impersonnel et démesuré des adultes.
* René Clément s'est avéré un cinéaste hors-pair pour diriger les acteurs et en particulier les enfants.
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