Lulu femme nue
Solveig Anspach (2013)
Même si l'histoire de "Lulu femme nue" semble à première vue peu originale, le regard de la réalisatrice Sólveig ANSPACH est quant à lui singulier. Tout d'abord c'est celui d'une survivante, d'une résiliente. Dans "Haut les cœurs" (1999), elle avait porté à l'écran sa propre histoire de femme atteinte par le cancer se battant pour donner la vie avec déjà Karin VIARD dans le rôle principal. Cette expérience sous-tend l'histoire (fictionnelle cette fois, adaptation d'une bande dessinée d'Etienne Davodeau) de "Lulu femme nue" qui n'est pas malade physiquement mais qui a perdu son identité (d'où le surnom "Lulu" comme le "Babou" du "Le Prénom") (2011) et par là même le goût de l'existence dans un mariage aliénant. Elle incarne le mal être de l'épouse et de la mère de famille de la société patriarcale qui lui dénie toute liberté et toute autonomie. La première scène du film est éloquente puisqu'alors qu'elle tente de se faire belle pour un entretien d'embauche dans les toilettes de l'entreprise, elle s'entend dire qu'elle est ici "chez les hommes". Des hommes qui à l'image du recruteur et de son mari dénient sa démarche en l'humiliant sur son âge et son accoutrement comme s'il fallait être désirable et bien habillée pour être compétente. C'est alors qu'inconsciemment, cette femme brimée se révolte en ratant son train: elle ne rentrera pas chez elle ce soir. Ni le lendemain en dépit des coups de pression de son mari qui lui coupe les vivres et la harcèle au téléphone. Elle ira plutôt respirer au bord de la mer et aller à la rencontre d'autres paumés, d'autres solitaires, d'autres "déchets de la société" rejetés sur le bas-côté. Parmi eux il y a Charles et ses drôles de frères toujours flanqués à ses basques. Charles qui a l'idée de jeter son téléphone boulet par dessus bord et avec lequel elle échange des sourires rayonnant à la fête foraine. Il n'a ni biens matériels ni statut à lui offrir puisqu'il est repris de justice et vit dans un camping mais à son contact doux et tendre, elle retrouve l'envie de partager des moments d'intimité avec un homme. Mais comme elle est rattrapée par sa sœur et sa fille, elle s'en va plus loin et là elle fait la connaissance dans des circonstances un peu rocambolesques d'une dame âgée, Marthe (Claude GENSAC) qui n'en peut plus de vieillir dans la solitude. Toutes deux viennent en aide à Virginie, une troisième femme, très jeune celle-là mais qui ploie sous le joug d'une patronne de bar tyrannique (Corinne MASIERO).
Ce qui m'a particulièrement plu dans ce film, c'est sa finesse d'observation. Alors que certains passages semblent plutôt relever du burlesque quelque peu fantaisiste (les deux frères de Charles), certaines des situations évoquées sont très réalistes comme celle de l'acte manqué (qui n'a jamais raté un train parce qu'il ne voulait pas en réalité le prendre?) ou de la jeune employée se faisant houspiller par sa patronne (j'ai entendu des propos du même type que "tu appelle ça nettoyer des verres?" dans une boulangerie proche de chez moi).
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