Les Nuits de la pleine lune
Eric Rohmer (1984)
L'un des plus beaux et aussi l'un des plus pathétiques films de Éric ROHMER. Quatrième opus du cycle "Comédies et proverbes", il illustre le nomadisme géographique et sentimental d'une jeune femme mélancolique et un peu paumée qui gravite entre plusieurs pôles sans parvenir à se fixer quelque part. Une jeune femme perdue quelque part entre l'adolescence et l'âge adulte, quelque part entre le centre de Paris et la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, quelque part entre Rémi (Tchéky KARYO) son compagnon architecte banlieusard très "carré" (à l'image des tableaux de Mondrian qui décorent son appartement et de la ville dans laquelle il habite) qui la rassure mais l'étouffe et l'ennuie, Octave (Fabrice LUCHINI), son ami et confident, un écrivain germanopratin avec lequel elle entretient une relation de séduction trouble mais qu'elle tient à distance et Bastien (Christian VADIM), son "coup de folie d'un soir" qui représente la jeunesse et l'insouciance qu'elle souhaite conserver mais qui s'échappe dès qu'elle cherche à concrétiser. Bref, Louise veut le beurre et l'argent du beurre et à force de s'éparpiller en tentant de tout concilier, elle finit par se retrouver dans un cul-de-sac existentiel.
Cette jeune femme indécise au comportement égocentrique pourrait être une tête à claques mais la fragilité de Pascale OGIER la rend bouleversante. Avec ses yeux trop grands pour son visage, ses paupières lourdes, sa voix éthérée si particulière et son extrême maigreur, elle dégage une mélancolie qui confine au mal de vivre. Éric ROHMER s'est appuyée sur sa personnalité, notamment ses goûts vestimentaires et ses talents de décoratrice d'intérieur pour construire son personnage. De fait il est devenu son film-testament puisque l'actrice (fille de Bulle OGIER) est décédée deux mois plus tard à l'âge de 25 ans.
Enfin "Les nuits de la pleine lune" est également remarquable comme d'autres films de Éric ROHMER par son ancrage dans une réalité urbanistique et sociologique, ici celle du Paris branché de la première moitié des années 80 et du développement des villes nouvelles comme mode de vie bourgeois alternatif.
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