Le Terminal (The Terminal)
Steven Spielberg (2004)
L'aéroport international d'une grande métropole mondiale (ici c'est JFK mais cela pourrait être tout aussi bien Roissy où s'est déroulée l'histoire vraie dont s'est inspiré Steven SPIELBERG) est un parfait concentré de toutes les problématiques contemporaines. C'est un lieu de passage et de transit bourré de sas et de points de contrôle. C'est un lieu cosmopolite où s'exerce cependant la souveraineté étatique avec sa douane, sa police des frontières, ses règlementations complexes et parfois kafkaïennes. C'est un lieu de foultitudes anonymes où cependant chacun est renvoyé à sa solitude et où s'exerce une hiérarchie sociale et raciale qui est le miroir de celle de la société: les WASP dans les bureaux de dirigeants et les minorités ethniques à la cuisine et au nettoyage des sols.
C'est dans ce lieu ouvert et clos à la fois que Steven SPIELBERG construit une fable humaniste qui lorgne clairement du côté de Frank CAPRA mais aussi de Robert ZEMECKIS. Comment ne pas penser à "Forrest Gump" (1994) et à "Seul au monde" (2001) devant un Tom HANKS dont l'inadaptation au monde n'est cette fois pas due à un QI légèrement inférieur à la moyenne ou à de longues années d'isolement sur une île déserte mais à son statut d'apatride "krakozhien" (Etat fictif d'Europe centrale dont le nom fait penser à Cracovie en Pologne) et sa méconnaissance de la langue anglaise. Bien que traité sur le mode de la comédie, la perte de la nationalité est une authentique tragédie qu'ont vécu des millions de personnes condamnées à errer d'un pays à l'autre dans l'espoir d'être acceptées quelque part, notamment les juifs allemands dans les années 30 (c'est le sujet du roman de Erich Maria Remarque "Les Exilés"). C'est pourquoi il ne faut pas s'y tromper: sous sa légèreté apparente (qui l'a fait un peut trop vite cataloguer comme un "film mineur" dans la filmographie de Steven SPIELBERG comme s'il fallait obligatoirement faire sérieux pour traiter de sujets graves), "Le Terminal" est un film engagé, politique. Il montre comment un étranger traité en paria parvient à retisser du lien social dans un lieu impersonnel et atomisé au point de créer une micro-société plus juste, plus solidaire et plus égalitaire. Peut-être que le seul reproche que je ferais au scénario est de ne pas avoir tranché entre un personnage transparent à la Tintin créé pour permettre l'identification du spectateur et un vrai personnage doté d'une identité propre. La chute de l'histoire m'a parue de ce fait décevante.
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