L'Arbre, le maire et la médiathèque
Eric Rohmer (1993)
Film hybride se situant entre la fiction et le documentaire où les jeux des "sept hasards" (sous-titre du film) ne concernent plus l'amour mais l'action politique. Un maire vendéen tendance gauche plurielle (Pascal GREGGORY) veut faire construire un grand centre sportif et culturel dans le village qu'il dirige. S'engage une discussion sur le bien-fondé de son projet avec des journalistes, des politiques, sa petite amie romancière (Arielle DOMBASLE), l'instituteur du village (Fabrice LUCHINI) et les habitants. Quoiqu'on pense du style très écrit de Éric ROHMER, le fait est qu'il est l'égal d'un Jacques TATI pour ce qui est d'analyser les transformations du paysage français. Au début des années 90 (époque où a été réalisé le film), les villes s'étendent et les campagnes soit se périurbanisent, soit se désertifient. Dans le premier cas de figure, elles sont menacées de perdre leur identité (c'est l'un des enjeux de la construction de la médiathèque dans un pré du village de St-Juire: s'agit-il de le "revitaliser" ou de l'annexer à la ville?) Dans le second, c'est le vieillissement et la disparition des agriculteurs et des services de proximité qui guette. Le film s'interroge aussi déjà sur la question sociale et écologique. Il oppose les paysans gardiens de la nature à l'agriculture productiviste et aux projets d'aménagement mégalos et hors-sol d'hommes politiques n'ayant plus qu'un lien ténu avec leurs racines rurales (une maison secondaire par exemple) et bien plus proches des technocrates parisiens que de leurs administrés. Une opposition qui dessine déjà la coupure profonde de la société française entre son peuple et ses élites avec tous les conflits qui en résultent. Et ce même si la fin du film est optimiste avec une pirouette en forme de "la vérité sort toujours de la bouche des enfants"!
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