Délits Flagrants
Raymond Depardon (1994)
En hommage à Michèle BERNARD-REQUIN décédée le 14 décembre 2019, j'ai revu le premier film où elle est apparue, "Délits flagrants" de Raymond DEPARDON. Il s'agit du premier documentaire réalisé dans l'enceinte du Palais de Justice de Paris en 1994. 14 prévenus (sur 86 filmés) venus de la Préfecture de police située juste en face (les deux bâtiments communiquent via de longs couloirs souterrains filmés par le réalisateur) se succèdent devant 3 substituts du procureur (Michèle BERNARD-REQUIN est la seule femme parmi les 3) qui leur exposent les motifs de leur arrestation en flagrant délit (de vol avec ou sans violence, d'escroquerie, d'outrage à agent, de coups et blessures, de dégradation de biens ou encore de séjour illégal sur le sol français). Après consultation du dossier du prévenu (notamment pour savoir s'il est récidiviste ou non) et écoute de ses explications, le substitut décide soit d'une comparution immédiate devant un tribunal correctionnel soit d'une remise en liberté avec suivi judiciaire et convocation pour une comparution ultérieure. On voit également brièvement deux autres maillons de la procédure judiciaire, l'un avant le passage chez le substitut auprès d'une conseillère à la personne et l'autre après chez un avocat commis d'office. Tous deux servent à compléter le portrait de l'une des prévenues, "Muriel Lefèvre" (les noms ont été changés) qui donne des versions différentes de ses actes selon son interlocuteur en se contredisant ainsi qu'à étoffer la documentation sur le fonctionnement de la justice.
Le documentaire de Raymond DEPARDON qui privilégie la caméra fixe et le plan séquence trouve le ton juste, à la fois à bonne distance et à hauteur d'homme. A travers la procédure judiciaire il dresse un portrait de l'envers de la société française où règnent le chômage, l'exclusion, la précarité, la drogue, l'alcool, le SIDA, la prostitution, l'émigration clandestine. Il montre aussi que les quelques fils de bonne famille venus s'égarer dans cette cour des miracles bénéficient de plus d'indulgence que les étrangers pauvres.
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