Bombay Talkie
James Ivory (1970)
De James IVORY, on connaît surtout les joyaux british des années 1990 qu'il a réalisé et le récent succès de "Call Me by Your Name" (2017) a mis en lumière son talent de scénariste. Mais cette vision n'est que parcellaire. En effet James IVORY l'américain a bâti une œuvre transcontinentale sur quatre décennies avec le producteur indien Ismail MERCHANT et l'écrivaine-scénariste allemande d'origine polonaise (et indienne par alliance!) Ruth PRAWER JHABVALA. Il est donc logique que leur travail créatif touche chacun des continents où ils sont nés. "Bombay Talkie" réalisé en 1970 est parfaitement représentatif de cette multiculturalité. le titre fait référence au cinéma bollywoodien que de son propre aveu, James IVORY a voulu parodier. On retrouve donc dans le film cette image d'une Inde huppée et occidentalisée avec Vikram, le séducteur au sourire ultra-brite (Shashi KAPOOR) toujours au bras d'un prix de beauté sur une gondole à Venise ou sur fond de chorégraphie sixties anglo-saxonne. Cette parodie s'étend à un autre cliché que véhicule l'Inde auprès des occidentaux, à savoir les retraites spirituelles dans les ashrams avec un gourou-charlatan pour qui les plus grands spirites sont les riches américains qui savent mettre la main au portefeuille. Sans cette acidité et cette acuité de regard propre au trio, on se croirait chez Liz Gilbert ("Mange, Prie, Aime"). Car l'Europe n'est pas oubliée dans le film, bien au contraire puisque le personnage principal de l'histoire est l'écrivaine-scénariste britannique Lucia Lane (Jennifer KENDAL) dont le trio dresse un portrait remarquable de finesse (rehaussé par l'excellente interprétation de l'actrice). Lucia est une femme mûrissante plus immature que sa propre fille et dont l'égocentrisme n'a d'égale que la profonde détresse intérieure. Se comportant comme une petite princesse ne supportant pas qu'on lui résiste, elle sème la désolation autour d'elle en ayant une relation passionnelle avec Vikram dont elle détruit le mariage tout en manipulant Hari le scénariste (Zia MOHYEDDIN), homme de l'ombre au physique moins avantageux qui a le malheur d'être tombé amoureux d'elle. En même temps, Lucia est une étrangère incapable de s'intégrer en Inde ce qui donne tantôt des scènes comiques (celles de l'ashram), tantôt des scènes profondément mélancoliques. Le personnage aliéné qui ravage sa vie et celle des autres et finit par contempler tristement son désert affectif annonce Hugh GRANT dans "Maurice" (1987) ou Anthony HOPKINS dans "Les Vestiges du jour" (1993).
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