Black Panthers
Agnès Varda (1968)
Durant son premier séjour californien à la fin des années 60, Agnès VARDA a réalisé plusieurs films dont un documentaire consacré aux Black Panthers, tourné durant l'été 1968 à Oakland (commune proche de San Francisco) avec une simple caméra 16 mm prêtée par des activistes de l'université de Bekerley. Son objectif est à la fois politique et esthétique.
Politique car son film est engagé en faveur de ce mouvement radical noir, marxiste et révolutionnaire qu'elle filme au moment où l'un de ses fondateurs, Huey Newton est jugé pour le meurtre d'un policier blanc. Par son montage impeccable, Agnès VARDA alterne des extraits de l'entretien qu'elle a réussi à obtenir du leader en prison et des rallyes organisés chaque dimanche dans un parc d'Oakland pour le soutenir et informer la population noire du programme du mouvement. Par ce biais, Agnès VARDA dresse un portrait édifiant du racisme dont les afro-américains sont victimes aux USA et dont on mesure à quel point il a depuis peu changé que ce soit au niveau des brutalités policières ou du nombre de jeunes noirs en prison (plus nombreux qu'à l'université!) Le recul du temps permet donc de mesurer l'échec du mouvement qui s'il pouvait prendre l'apparence d'une milice paramilitaire fasciste et sécessionniste (ce que certains suprémacistes blancs craignaient par dessus tout) était surtout un réseau d'auto-défense organisé pour défendre les noirs victimes d'agressions policières dans le ghetto d'Oakland (d'où sa référence à la panthère noire qui n'attaque pas mais se défend férocement).
Sur le plan esthétique, "Black Panthers" par son caractère de ciné-reportage pris sur le vif au cœur de l'histoire en train de se faire n'est pas sans rappeler "La Sixième Face du Pentagone" (1968) réalisé la même année par un grand ami de Agnès VARDA, Chris MARKER. Et ce d'autant plus qu'il s'agit également d'une œuvre qui prend le parti des contestataires face au pouvoir établi dans une époque où les journalistes et les documentaristes pouvaient travailler sur le terrain sans crainte d'être censurés ou écartés des événements. De plus par le choix de ses images, la réalisatrice va au-delà de la simple retranscription d'une manifestation politique et montre l'affirmation de l'identité noire (le "Black is beautiful") avec la profusion de coiffures afro (dites "naturelles"), de tenues traditionnelles africaines colorées et de chants gospels qui n'entrent manifestement pas dans le cadre idéologique du mouvement d'extrême-gauche qui tente de les canaliser (ou plutôt de les récupérer).
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