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Le Village (The Village)

Publié le par Rosalie210

M. Night Shyamalan (2004)

Le Village (The Village)

"Le Village" est à l'image de M. Night SHYAMALAN, une sorte de melting-pot à la confluence du conte européen ("Le petit chaperon rouge", la comptine "Promenons-nous dans les bois"), de l'utopisme des pionniers américains et de l'épouvante asiatique.

"Le Village" est d'abord un film sur la peur. La peur primale de l'inconnu, du noir, du sauvage, de l'animal qui pousse les humains depuis les premiers temps de leur histoire à tracer une frontière entre leur monde (civilisé, domestiqué, organisé, pacifié) et celui de la nature incarné la plupart du temps par la forêt (interdite, comme dans "Harry Potter"). Une frontière fortifiée et surveillée. Ce qui est original dans le film de M. Night SHYAMALAN, c'est que l'on découvre à la fin du film qu'il y a en fait une double frontière qui représente dans un même espace deux époques différentes. Celle qui délimite le village du bois à l'aide de poteaux et de miradors en bois, ouvrages du passé et celle qui sépare la réserve naturelle du reste du monde à l'aide d'un mur d'enceinte en béton, ouvrage beaucoup plus récent de ce que l'écrivain François Terrasson appelle "l'Apartheid de la nature". Le monde des villes (au-delà de l'enceinte de béton) est en effet perçu par les habitants du village comme celui de la sauvagerie au même titre que celui des bois. Un rapprochement surprenant au premier abord mais logique au final car la ville est tentaculaire et ouverte, donc incontrôlable, au même titre que le bois. Les pulsions primitives peuvent donc s'y déployer sans entraves. D'où le leitmotiv du branchage qui à l'inverse du cercle ne peut pas être circonscrit (vous en coupez un, dix repoussent comme le montre l'exemple de l'hydre). C'est peut-être aussi l'une des explications du code couleur qui voit s'opposer le jaune et le rouge, le disque solaire protecteur et l'alerte rouge (et puis le sang est un fluide qui coule et s'infiltre).

Mais "Le Village" est aussi un film sur la manipulation de cette peur à des fins politiques. Car le conseil des Anciens a beau avoir fondé la communauté du village pour protéger l'innocence de ses membres, il ne l'est pas lui, innocent. D'abord parce que les membres fondateurs sont tous nés hors du village. Ils connaissent donc le monde tel qu'il est vraiment. De plus leur projet communautariste autarcique est né d'un traumatisme qui les a conduit à édifier autour d'eux une carapace protectrice à l'abri du monde. Le parallèle avec les pionniers américains partis d'Europe pour fonder une communauté idéale dans le nouveau monde est évident et on a beaucoup rapproché à juste titre "Le Village" des Mormons et des Amish. Le problème, c'est que ces Anciens qui connaissent la vérité sur le monde entretiennent les jeunes générations dans l'illusion du danger que représente le monde extérieur à coup de mensonges (avec mascarades et mises en scène autour des créatures maléfiques censées hanter les bois "ceux dont on ne parle pas" comme "Celui dont on ne doit pas prononcer le nom" dans Harry Potter). On pense beaucoup à Peter WEIR. Celui de "Witness" (1985) et celui de "The Truman Show" (1998). Sauf qu'il n'y a pas d'intrus dans "Le Village". Enfin si mais c'est un intrus "intérieur" qui invalide toute la stratégie du groupe et fait vaciller les certitudes de l'Ancien Edward Walker (William HURT). Et le pire, c'est que cet intrus est lui un authentique innocent qui aurait été déclaré irresponsable de ses crimes s'il avait été jugé par un tribunal moderne. Cet intrus c'est Noah Percy (Adrien BRODY), l'handicapé mental que sa possessivité pousse au meurtre. Et c'est lui qui suprême ironie endosse le costume des créatures maléfiques imaginaires que les Anciens avaient inventées pour terroriser les jeunes et les maintenir bien à l'intérieur du cercle. Comme les crimes de Noah visent la fille de Edward Walker, Ivy (Bryce Dallas HOWARD) et son fiancé Lucius (Joaquin PHOENIX), l'individualisme latent des immigrants américains se réveille et Edward décide sans consulter les autres de les sauver tous les deux en ouvrant une brèche dans le dispositif pour y faire entrer l'air, la lumière et la vérité. Enfin, très relativement étant donné que Lucius est dans le coma et Ivy est aveugle.

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