Guêpier pour trois abeilles (The Honey Pot)
Joseph L. Mankiewicz (1967)
Admiratrice de longue date de la filmographie de Joseph L. MANKIEWICZ, je découvre avec jubilation son antépénultième film que je ne connaissais pas encore. Certes "Guêpier pour trois abeilles" n'est pas un chef d'œuvre. Beaucoup le considèrent avec raison comme un brouillon de son génial dernier film "Le Limier" (1972). "Guêpier pour trois abeilles" souffre d'un début un peu poussif à mon goût, de quelques longueurs et de l'interprétation trop monolithique de Cliff ROBERTSON dans un rôle pourtant crucial. Mais en dépit de ces défauts, il s'agit tout de même d'une véritable pépite injustement méconnue.
"Guêpier pour trois abeilles" est une libre adaptation de la pièce de théâtre élizabéthaine "Volpone" du dramaturge anglais Ben Jonson. Le film s'ouvre ainsi sur la représentation de la pièce à laquelle assiste le personnage principal qui va en transposer l'intrigue dans sa propre vie. Les personnages portent d'ailleurs les noms anglicisés de la pièce (Fox pour Volpone qui signifie renard en italien et McFly pour Mosca alias la mouche son serviteur). Le film brasse tous les thèmes fétiches du réalisateur: le personnage démiurge qui voit son jeu/scénario/machination se retourner contre lui, la recherche de la vérité des sentiments derrière les faux-semblants sociaux et enfin les relations entre maîtres et domestiques. Ici le maître du jeu est Cecil Fox (Rex HARRISON), un célibataire richissime sans héritier qui comme dans la pièce feint cyniquement d'être à l'article de la mort pour faire venir à son chevet trois de ses anciennes maîtresses afin de leur faire croire qu'il pourrait léguer sa fortune à l'une d'entre elles. L'objectif affiché est de se payer leur tête en se délectant se les voir se bouffer le nez. Pour mettre son plan à exécution, il embauche un comédien raté, Mosca (Cliff ROBERTSON qui hélas pour nous l'est vraiment) qu'il veut faire passer pour son héritier afin d'humilier les trois femmes. Mais un ingrédient imprévu se glisse dans la machinerie trop bien huilée de Cecil Fox: l'infirmière d'une de ses trois ex-maîtresses, Sarah Watkins (Maggie SMITH géniale, il faut absolument la découvrir dans ce rôle) dont il se méfie car il la trouve "finaude". C'est en effet elle qui va dérégler le jeu et en révéler les faux-semblants en y introduisant des éléments sur lesquels il n'a pas de prise, les sentiments notamment. Sa présence a en effet le pouvoir de faire tomber les masques et de réintroduire de l'humanité dans le spectacle de marionnettes qui nous est offert. Pour le plus grand malheur de Cecil Fox mais pour le plus grand bonheur de McFly qui en tombe amoureux (et réciproquement, c'était écrit tant Sarah se comporte en fine mouche ^^^^). Ce n'est pas par hasard si la société de production de Joseph L. MANKIEWICZ s'appelait Figaro tant le couple de serviteurs dépasse celui des maîtres. On peut même dire que la fin du film est sans ambiguïté: l'avenir leur appartient.
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