A bord du Darjeeling Limited (The Darjeeling Limited)
Wes Anderson (2007)
Il y a selon moi deux périodes dans la filmographie de Wes ANDERSON: une première période très détachée et une seconde période beaucoup plus impliquée (tant émotionnellement que politiquement). "A bord du Darjeeling Limited" appartient à sa première période. C'est une sorte de "roman familial" à huis-clos comme dans "La Famille Tenenbaum" (2002). Un album Panini plutôt qu'un roman d'ailleurs sauf qu'au lieu de lire les vignettes dans le sens vertical, on les lit ici dans le sens horizontal étant donné que la majeure partie du film se déroule à bord d'un train. Celui-ci comme dans "La Vie aquatique" (2003) joue le rôle d'une bulle qui isole les protagonistes de l'extérieur, une Inde vue surtout à travers un prisme exotique. Il y a cependant un moment dans ce film qui laisse pressentir l'évolution du cinéma de Wes ANDERSON. C'est celui où, après s'être fait éjecter du train, les trois frères Whitman, Francis (Owen WILSON), Peter (Adrien BRODY) et Jack (Jason SCHWARTZMAN) rencontrent leurs "miroirs" indiens en fâcheuse posture et tentent de venir à leur secours. Alors seulement ils semblent sortir de leur neurasthénie, se jettent à l'eau, risquent leur peau et en ressortent passablement secoués, surtout Peter, le futur père qui n'a pas réussi à sauver l'un des garçons et est couvert de sang. Pour une fois on a l'impression que Wes ANDERSON accepte de se confronter à un sentiment (la douleur) même si ça ne dure pas. Il faut dire que le court-métrage qui sert de prélude, "Hôtel Chevalier" laisse lui aussi affleurer des sentiments et des émotions, mélancolie, douleur, impasse existentielle (la vue bouchée, les bleus sur le corps). L'aspect distancié du film, son humour pince-sans-rire sert à éviter de trop faire ressentir à quel point les frères sont dépressifs. Mais à force de détachement et de pseudo indifférence, le tout sur un rythme nonchalant (le film se traîne parfois), on finit par se lasser quelque peu même si on a compris que l'enjeu du voyage consiste à laisser la figure mortifère du père derrière soi (Bill MURRAY, sa voiture en panne et sa ligne de lourds bagages lestés encore par le présent de l'ex petite amie de Jack, jouée par Natalie PORTMAN) pour pouvoir enfin avancer dans la vie.
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