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Kung-Fu Master

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1988)

Kung-Fu Master


"Kung-Fu Master" est une excroissance autofictionnelle de "Jane B. par Agnès V." (1985). Son scénario fut imaginé par Jane BIRKIN et tourné pendant la réalisation de son autoportrait par Agnès VARDA. C'est un film vertigineux de par les mises en abyme construites par les deux femmes qui mettent en scène des secrets de famille dans leur propre famille dans les maisons de famille de Jane BIRKIN. L'histoire tourne autour d'une attirance interdite entre celle-ci et Julien, camarade de classe de sa fille Lucy. Sauf qu'il ne s'agit pas simplement d'une histoire d'amour entre deux personnes d'âge différent ou d'un détournement de mineur mais d'une relation incestueuse qui déborde largement le cadre de la fiction. L'on ne peut ignorer que Julien est joué par Mathieu DEMY alors âgé de 14 ans et Lucy par Charlotte GAINSBOURG également adolescente devenue célèbre avec "L'Effrontée" (1985). On ne peut non plus fermer les yeux sur le fait que l'inceste est un élément récurrent de l'univers de Jacques DEMY tout comme dans les œuvres alors produites par Serge GAINSBOURG mettant en scène sa fille alors mineure (la chanson "Lemon Incest" bien sûr mais aussi le film "Charlotte for Ever" (1986) qui se déroule au domicile du réalisateur et où ce dernier drague toutes ses copines de classe). Dans "Kung-Fu Master", les propres parents de Mary-Jane ont un rôle clé dans la consommation de l'inceste, or eux aussi sont joués par les vrais parents de Jane BIRKIN. Enfin "Jane B. par Agnès V." (1985) est fondé sur un jeu de miroirs entre les deux femmes qui s'identifient fortement l'une à l'autre. Si "Mary-Jane" a un prénom composé, c'est parce qu'elle peut être aussi bien l'une que l'autre de ces deux femmes. Et Agnès VARDA est passé maître dans l'art de brouiller les frontières, notamment entre la fiction et le documentaire.

Ceci posé, on comprend davantage le trouble que peut susciter un film qui gratte là où ça les démange (pour reprendre l'expression d'un expert des relations troubles entre êtres humains et des non-dits et qui a rendu Charlotte GAINSBOURG célèbre à la même époque, Claude MILLER) sans aller tout de même jusqu'au sang, les séquences les plus dérangeantes étant escamotées par des plans de fenêtre ouvrant sur l'extérieur. Il en va de même avec un autre non-dit majeur, celui du sida dont la mention est obsessionnelle dans le film mais qui n'est pas qu'un simple élément de contexte. Il renvoie à l'homosexualité cachée de Jacques DEMY et à sa maladie "honteuse" dont on ne sait si elle s'était déjà déclarée à l'époque. Si bien qu'en dépit de sa délicatesse, le film suscite un certain malaise, à l'image de la maison de Jane BIRKIN semblable à un tombeau avec son obscurité, ses animaux empaillés et ses "vaseux" de fleurs en train de pourrir sur pied, sans parler de la scène de rencontre amoureuse entre Mary-Jane et Julien qui se déroule aux toilettes où la première aide le second à se faire vomir en lui mettant les doigts dans la bouche.

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