Les voitures qui ont mangé Paris (The Cars That Ate Paris)
Peter Weir (1974)
On sait depuis 1984 grâce à Wim WENDERS qu'il y a Paris au Texas. Mais dix ans plus tôt, le premier film de Peter WEIR nous faisait découvrir l'existence d'une bourgade prénommée Paris située au fin fond de l'Australie. Un lieu haut en couleurs mais peu recommandable, surtout pour les infortunés voyageurs ayant la mauvaise idée de quitter la route principale pour s'y rendre. Ils risquent de subir le même sort que les employés du boucher de "Delicatessen" (1990), sort orchestré par le maire de la ville avec la complicité de tous les villageois. Si je cite le film de Marc CARO et Jean-Pierre JEUNET c'est également parce que l'on y retrouve le même humour noir teinté d'étrange et d'absurde qui fait penser à celui des MONTY PYTHON. Peter WEIR partage notamment avec eux le même imaginaire médical délirant à la fois férocement drôle et cauchemardesque: médecin frappadingue, instruments de torture disposés sur la table d'opération, naufragés de la route qui lorsqu'ils ne sont pas morts se retrouvent réduits à l'état de légumes en conserve ^^ et finissent par se mélanger aux citoyens ordinaires tout aussi dégénérés dans un final complètement surréaliste. A cette influence british vient s'ajouter celle du western spaghetti, les villageois pilleurs d'épaves étant explicitement comparés à des hors-la-loi tant par leurs costumes (cache-poussières) que par des plans rappelant les duels ou une musique aux accents de "Il était une fois dans l'Ouest" (1968). Mais le film a également une identité proprement australienne. Il renvoie à sa fondation par les parias du vieux continent, l'île ayant été d'abord une colonie pénitentiaire ayant longtemps conservé son caractère sauvage et brutal. Les hordes de véhicules customisés conduits par des voyous réduits à l'état de silhouette préfigurent l'un des monuments du cinéma australien, la saga futuriste et motorisée Mad Max de George MILLER qui fait d'ailleurs de multiples clins d'oeils au film de Peter WEIR. L'acteur Bruce SPENCE qui joue l'idiot du village dans "Les voitures qui ont mangé Paris" apparaît dans "Mad Max 2 : le Défi" (1981) alors que le dernier volet à ce jour "Mad Max : Fury Road" (2014) fait apparaître la voiture customisée la plus iconique du film de Peter WEIR, la Volkswagen Type 1 hérissée de dards. "Les voitures qui ont mangé Paris" est par ailleurs parfaitement représentatif de l'œuvre à venir de Peter WEIR. On y navigue dans un microcosme vivant en vase clos selon des règles dignes d'une société secrète sous une férule totalitaire dans lequel un intrus vient se glisser. Derrière l'itinéraire bis et délirant du film, on reconnaît notamment la trame de "The Truman Show" (1998): un homme prisonnier d'une communauté accueillante en apparence mais hostile en réalité et sous l'emprise d'un père abusif (ici le maire) qui en surmontant sa phobie (ici ce n'est pas l'eau mais sa peur de conduire) parvient à s'enfuir alors que les dissensions intérieures éclatent entre l'ancienne génération (qui régule la violence pour le "bien commun") et les jeunes (pour qui la violence n'a plus de limites). A trop se compromettre avec le mal, celui-ci finit par tout détruire.
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