Deux ans après
Agnès Varda (2002)
"Deux ans après", la suite de "Les Glaneurs et la glaneuse" (2000) ne devait être à l'origine qu'un simple bonus. Mais il est devenu un film à part entière parce qu'il s'est imposé comme une nécessité. Nécessité de répondre au courrier et aux cadeaux reçus, parfois en allant rendre visite à leurs auteurs. Nécessité ensuite de partager tous ces témoignages d'intérêt et d'affection avec les protagonistes du premier film dont c'est l'occasion de prendre des nouvelles. L'un d'entre eux est mort, d'autres sont sortis de la grande précarité mais la plupart continuent leur vie parallèle à celle de la société dominante sans faire de bruit, ou presque. Alain Fonteneau, le glaneur végétarien a marqué les esprits au point d'avoir eu son propre article dans Télérama et une passante prend la peine de s'arrêter pour lui dire qu'il donne envie aux autres de devenir meilleur. A l'image de la patate cœur emblématique du film, les actes de solidarité et de générosité sont en effet légion chez ces gens humbles considérés comme des déchets de la société et qui pourtant recèlent en eux des trésors d'humanité. Alain n'est pas le seul a avoir été médiatisé après le film mais pour François, l'homme aux bottes, cela s'est moins bien passé ensuite puisqu'il a connu une période d'internement pour troubles psychiatriques, un grand classique de l'arsenal normatif. Nécessité enfin pour Agnès VARDA qui se définit comme une "glaneuse d'images" d'analyser avec recul le sens que revêt son documentaire sur un plan personnel. Ses retrouvailles avec le glaneur psychanalyste Jean Laplanche sont l'occasion de s'interroger sur une discipline qui ramasse des mots que le patient laisse tomber sans y faire attention pour s'en servir comme autant d'entrées vers son inconscient. Les pommes de terre que Agnès VARDA laisse pourrir deviennent ainsi l'image de sa propre acceptation de la mort car du tubercule ratatiné surgissent les germes d'une vie nouvelle. Et Agnès VARDA de réaliser qu'elle a tourné une œuvre sur sa propre finitude identique à celle qu'elle avait réalisé lorsque Jacques DEMY était mourant, le magnifique "Jacquot de Nantes" (1991) avec les mêmes plans rapprochés à l'extrême des mains flétries et les cheveux fanés.
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