Une Femme disparaît (The Lady Vanishes)
Alfred Hitchcock (1938)
"Une femme disparaît", l'avant-dernier film de la période anglaise de Alfred HITCHCOCK est un parfait mélange de thriller d'espionnage, de vaudeville et de screwball comédie, semblable à une version en huis-clos de "Les 39 marches" (1935), les allusions au contexte géopolitique en plus.
Le film commence par un travelling aérien sur une maquette d'un village des Balkans assez fantomatique dans lequel se retrouvent coincés par une avalanche un groupe de voyageurs cosmopolites obligés de passer la nuit dans un hôtel surpeuplé. Toute allusion au déclenchement imminent d'une nouvelle guerre mondiale n'est qu'une coïncidence fortuite ^^^^. Mais en dépit de cet arrière-plan dramatique, c'est la comédie qui domine le début du film avec un exposé de situations cocasses voire piquantes dans lesquelles se retrouvent une partie des protagonistes. D'un côté Charters et Caldicott (Basil RADFORD et Naunton WAYNE), deux gentlemen anglais puritains obligés de dormir dans la chambre de la bonne qui se met à l'aise comme s'ils n'étaient pas là. Et de l'autre, Iris (Margaret LOCKWOOD), une jeune femme qui s'est résigné à faire un mariage de raison et voit débarquer sans prévenir dans sa chambre Gilbert (Michael REDGRAVE), le malotru qu'elle a fait déloger parce qu'il faisait du tapage nocturne juste au-dessus d'elle. Ce préambule posé, Alfred HITCHCOCK entre dans le vif du sujet avec un voyage en train aux allures de thriller psychologique. Le coup qu'Iris reçoit sur la tête juste avant le départ altère sa vision du monde qui se teinte d'onirisme expressionniste. C'est pourquoi lorsqu'elle se réveille après avoir fait la sieste, qu'elle constate que la vieille dame qui l'accompagnait, Mrs Froy (Dame May WHITTY) a disparu et que tous les passagers du compartiment ainsi que le Dr Hartz (Paul LUKAS) et le serveur du wagon-restaurant soutiennent que cette dame n'a jamais existé, le spectateur est amené à douter des perceptions d'Iris et à croire qu'elle nage en pleine paranoïa. Elle-même finit par s'y perdre. Néanmoins, Alfred HITCHCOCK parsème assez d'éléments pour qu'une autre version l'emporte, celle qui calque le comportement des passagers du train sur celui des futurs protagonistes de la guerre: un gang de comploteurs affiliés à une puissance étrangère hostile (Hartz se réfère à l'Allemagne nazie alors que l'un de ses complices, Doppo est une allusion à l'alliance avec l'Italie fasciste), un soi-disant pacifiste qui ne pense qu'à sa réputation et sa promotion et le duo isolationniste Charters et Caldicott pour qui seul compte le match de cricket qu'ils risquent de rater (ces personnages symbolisant autant aux démocraties européennes qu'aux USA). Pour que ce petit monde sorte de son aveuglement, il leur faudra affronter l'épreuve de balles bien réelles avec une scène d'action digne d'un western. Et c'est ainsi qu'à l'image de l'opiniâtre Iris (la seule à "y voir clair") et de son principal allié Gilbert, Alfred HITCHCOCK tel un prestidigitateur fait apparaître sous la couverture d'un simple divertissement une vérité grinçante sur ce qui se trame alors en Europe et dans le monde.
Commenter cet article