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Monsieur Smith au Sénat (Mr Smith goes to Washington)

Publié le par Rosalie210

Frank Capra (1939)

Monsieur Smith au Sénat (Mr Smith goes to Washington)

En France, particulièrement en ce moment, on nous rebat les oreilles avec la défense de la démocratie, de la République et de ses valeurs humanistes comme si tout ce qui se décidait en leur nom était conforme à ces valeurs et qu'il était hors de question d'en discuter. C'est d'ailleurs en ce sens que sont conçus les programmes d'éducation morale et civique au collège et au lycée. Des programmes appuyés par des manuels qui sanctifient les interventions militaires ("c'est pour assurer la paix et étendre la démocratie dans le monde ainsi qu'apporter une aide humanitaire aux civils en détresse") et la politique sécuritaire de la France ("Vigipirate, l'état d'urgence et le fichage c'est pour votre plus grand bien"), fustigeant la montée de l'abstentionnisme ("si les français se détournent du vote c'est qu'ils sont de mauvais citoyens") ou encensant les médias pour lesquels la pression des pouvoirs est (dixit Laurent Joffrin de "Libération" en 2009 dans "Médias-Paranoïa") "rarissime et facile à repousser".

C'est pourquoi le film de Frank CAPRA est si précieux et si actuel, lui qui a mieux fait pour l'éducation civique de la population américaine que toutes les leçons de morale. Car ce que rappelle Frank CAPRA c'est que démocratie et République sont des coquilles vides et leurs valeurs, des mots creux si elles ne sont pas incarnées par des hommes et des femmes prêts à tout pour les défendre contre ceux qui veulent les détourner dans le sens de leurs intérêts. Car le (gros) mot est lâché, celui que les manuels d'éducation morale et civique (pour qui tous nos dirigeants sont des saints uniquement guidés par le souci de l'intérêt général) censurent: l'influence des intérêts privés sur les politiques publiques. C'est pourquoi lorsque je lis certaines critiques taxant Frank Capra de naïveté et de manichéisme, j'ai envie de rire étant donné qu'il est un champion de clairvoyance à côté de ces manuels propagandistes qui pourtant sont des outils tout à fait officiels d'enseignement. Et pour un pays comme la France dont les soulèvements populaires contre les abus de pouvoir (1789,1830,1848) sont maintenant qualifiés péjorativement de populisme, celui de Capra fait du bien. Son film, sorti en 1939 a d'ailleurs été interdit dans les dictatures totalitaires et mal reçu à Washington, c'est un signe qui ne trompe pas. Il montre que la mise à l'écart du peuple de la conduite d'un pays produit un système élitiste incestueux où règne la corruption du politique et du médiatique par les financiers avides de s'enrichir. Il évoque même le "bon sens" populaire contre la malédiction d'être trop futé (ça rappelle un discours récent où un membre du gouvernement disait qu'ils avaient été "trop intelligents et trop subtils"). Jefferson Smith (James STEWART), homme du peuple au patronyme synonyme de refondation démocratique est introduit dans les milieux très fermés du pouvoir pour servir d'homme de paille à un projet d'éléphant blanc conçu pour enrichir son commanditaire. Mais il refuse de jouer le jeu et avec l'aide d'une femme de tête qui connaît les rouages du système, Clarissa Saunders (Jean ARTHUR) il s'empare des outils institutionnels mis à sa disposition pour combattre la corruption et le mensonge. Un combat de David contre Goliath à dimension christique sacrificielle qui préfigure celui des lanceurs d'alerte durant lequel James STEWART accomplit une extraordinaire performance. Revitalisant ainsi la célèbre formule du préambule de la constitution américaine "We, the people".

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