Le Pont des espions (Bridge of Spies)
Steven Spielberg (2015)
Comme l'un de ses mentors Stanley KUBRICK, Steven SPIELBERG a couvert de nombreux conflits du XX° siècle: la première guerre mondiale avec "Cheval de guerre" (2011), la seconde guerre mondiale avec "La Liste de Schindler" (1993) et "Il faut sauver le soldat Ryan" (1998) et plus récemment la guerre froide avec "Le Pont des espions". Il s'agit d'un film prenant du début à la fin, basé sur des faits réels: l'échange en février 1962 de l'américain Gary Powers, pilote d'un avion-espion abattu au-dessus du territoire soviétique contre l'espion communiste Rudolf Abel, emprisonné aux Etats-Unis. Mais aucun d'eux n'est le héros de Steven SPIELBERG car il préfère se focaliser sur l'avocat James Donovan (Tom HANKS), le négociateur de l'échange. Donovan est un homme ordinaire embarqué dans une situation extraordinaire. Bien que le mot ordinaire ne soit pas tout à fait approprié en ce qui le concerne puisqu'il s'agit d'un Mensch. Dans la culture juive, ce terme désigne un homme qui fait le bien et se comporte avec droiture, un héros du quotidien. C'est la métaphore de "l'homme debout" qui revient plusieurs fois dans la bouche de Rudolf Abel. Steven SPIELBERG privilégie toujours les ponts aux murs et la fraternité aux logiques étatiques. Dans des films tels que "Rencontres du troisième type" (1977), "E.T. L'extra-terrestre" (1982) ou encore "Munich" (2006), l'autre est considéré par l'Etat comme un ennemi à détruire ou un alien à exploiter. C'est le désir de communiquer qui fait reconnaître en cet autre un frère. De fait, Donovan se retrouve plongé au départ presque malgré lui dans des rouages et des calculs diplomatiques qui le dépassent. il s'implique totalement dans sa tâche qui est d'abord de défendre équitablement Rudolf Abel (Mark RYLANCE, admirable de sobriété) puis de lui sauver la vie. Pour cela il joue habilement sur deux tableaux: l'image d'exemplarité démocratique que doivent renvoyer les USA au monde pour damer le pion aux soviétiques et le fait que garder en vie l'espion constitue une monnaie d'échange au cas où l'un des leurs tomberait entre leurs mains. Mais ces arguments de bon sens sont mis à mal par l'atmosphère paranoïaque qui règne aux USA à cette époque. Alors que la télévision et l'école terrifient les gens avec des images d'apocalypse nucléaire, la famille de James Donovan est victime de ses propres concitoyens. Steven SPIELBERG rappelle comme de nombreux cinéastes avant lui la sauvagerie présente au sein du peuple américain, toujours prête à bondir sous forme de lynchages et autres formes de "justice expéditive". La mission de Donovan se complexifie encore lorsqu'il se rend à Berlin pour négocier l'échange. En effet, de sa propre initiative et contre sa hiérarchie, il se met en tête de récupérer non seulement l'espion américain Gary Powers mais également un étudiant innocent pris au piège durant la construction du mur et qui en dehors de sa nationalité américaine ne représente aucun intérêt pour la CIA. Tâche d'autant plus délicate que l'étudiant est détenu par les autorités de la RDA qui ne supportent pas d'être traitées comme les larbins des soviétiques et veulent dicter leurs propres conditions. C'est pour cela que si l'échange des espions a lieu sur le pont de Glienicke, la remise de l'étudiant se déroule à Checkpoint Charlie, symbole de la "souveraineté" de la RDA (dont Brejnev rappellera toutefois combien elle est limitée).
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