Le Parrain troisième partie (The Godfather: Part III)
Francis Ford Coppola (1990)
"Juste quand je m'en croyais sorti, ils m'y ramènent": ce cri du cœur de Michael Corleone qui n'arrive pas à se défaire de son passé mafieux est aussi celui de Francis Ford COPPOLA, contraint par les studios à tourner un troisième volet de sa saga culte, plus de quinze ans après le "Parrain II". Qu'à cela ne tienne, Coppola relève haut la main le défi et réussit à donner une cohérence d'ensemble à son œuvre que ce soit sur la forme ou dans le fond.
"Le Parrain III", injustement sous-estimé parce qu'écrasé par l'aura des deux premiers volets est pourtant un film admirable. D'abord par la maestria de sa mise en scène opératique. On retrouve les leimotiv de la saga notamment la cérémonie d'ouverture et la grande purge du dénouement magnifiés par le montage alterné dans le cadre du Vatican et de l'opéra qui mettent en abyme l'histoire tragique des Corleone. Il y a quelque chose d'un "Don Giovanni" dans ce volet grave et crépusculaire à ceci près que Michael cherche le pardon mais ne parvient pas à s'amender. Ensuite Francis Ford COPPOLA injecte beaucoup de lui-même dans son film qui est le plus intimiste des trois. Son double à l'écran c'est Michael Corleone que les remords liés à son terrible passé de criminel fratricide rongent à petit feu jusqu'à mettre à nu sa fragilité d'être humain. Car la souffrance le réanime et l'on voit dans ce volet quelques scènes très puissantes où il extériorise enfin l'étendue de sa douleur et montre qu'il peut aimer (Al PACINO est juste hallucinant, profondément shakespearien). Mais c'est trop tard, il doit boire la coupe jusqu'à la lie et contempler jusqu'au bout le désastre de sa vie. A l'origine, il devait mourir (le premier titre du film était d'ailleurs explicite "La mort de Michael Corleone"). Mais c'est un sort bien pire qui l'attend, à la hauteur des crimes qu'il a commis. Il est condamné à vivre pour souffrir et voir ceux qu'il aime mourir. Prisonnier d'un système pervers dont il ne parvient pas à s'extraire, il est condamné à répéter les mêmes erreurs. En voulant garder sa fille Mary (Sofia COPPOLA la propre fille du réalisateur) auprès de lui, il la condamne. Néanmoins, l'anéantissement n'est pas complet car son fils Antony (Franc D AMBROSIO) s'en sort en suivant l'exemple de Kay (Diane KEATON), c'est à dire en restant à distance et en se construisant une vie étanche de celle de son père. En donnant à son fils l'autorisation qu'il s'était refusée à lui-même lorsqu'il était jeune, Michael réussit au moins à le sauver lui. Le dénouement sur les marches de l'opéra démontre que la famille Corleone est désormais scindée en deux groupes: celui des mafieux sans états d'âme dont la relève est assurée par le fils illégitime de Sonny, Vincent Mancini (Andy GARCIA que je ne trouve pas terrible) et celui des gens honnêtes mais lucides, incarnés par Kay et Antony. Michael et Mary, coincés dans un entre-deux ambivalent (d'où provient toute la richesse de leur personnage même si Sofia COPPOLA n'a pas le talent pour le mettre en valeur) sont condamnés à disparaître.
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