Le Parrain deuxième partie (The Godfather: Part II)
Francis Ford Coppola (1974)
De nombreuses scènes du "Parrain II" renvoient en écho à celle du premier volet: l'ouverture avec le montage alterné d'une fête en plein air et des tractations en coulisses, celui qui mêle fête religieuse et préparatifs d'un meurtre, la tentative d'assassinat du Parrain, les scènes d'hôpital, les meurtres en cascade. Cette similarité n'est pas fortuite car Michael Corleone (Al PACINO) qui a pris en main la destinée de la Famille tente de se hisser au niveau de son père. Mais il échoue et le film nous explique pourquoi.
Le film est en effet construit sur deux temporalités différentes et deux trajectoires: celle de la jeunesse de Vito (Robert De NIRO) dans les années vingt et celle de Michael son fils dans les années cinquante. La comparaison est éclairante. L'histoire du jeune Vito, lumineuse, est celle de l'ascension sociale d'un petit immigré sicilien qui parvient à réussir aux USA. Certes il n'y parvient pas par des voies légales mais c'est parce qu'il ne peut pas faire autrement. Il est aussi montré comme une personnalité chaleureuse, capable de tisser des liens filiaux, amicaux et communautaires puissants. Et sa motivation est limpide, il veut venger ses parents et son frère, tués en Sicile par le mafieux local. A l'inverse, l'histoire de Michael, funèbre, est celle d'une lente autodestruction. En apparence, tout lui a réussi: il cumule entre ses mains le pouvoir et la richesse et règne d'une main de maître sur son empire. Mais en réalité, la situation menace de lui échapper: il doit frayer avec des milieux qui le rejettent (les industriels israéliens, les sénateurs américains) et il est inquiété par une commission parlementaire qui veut faire toute la lumière sur ses agissements. Retranché dans sa forteresse et de plus en plus coupé des siens, Michael devient paranoïaque et s'enferme dans un silence seulement rompu par des accès de fureur incontrôlables par lesquels il détruit les fondements amicaux et familiaux de son père. Les anciens amis sont assassinés les uns après les autres, la veuve de Vito décède, Kay le quitte et le climax est atteint lorsqu'il fait assassiner son propre frère, Fredo (John CAZALE) devenant ainsi un être maudit. Mais le vers n'était-il pas dans le fruit dès le début? La dernière scène qui se déroule pendant la guerre (avant le "Parrain I" donc) nous montre que Michael était déjà isolé dans la famille et ne parvenait pas à y trouver sa place.
Dès le premier volet du "Parrain", on était saisi par les transformations du visage de Al PACINO. Ce second volet poursuit sa monstrueuse métamorphose. D'écran vierge complètement lisse au début de l'histoire, on assiste à son vieillissement prématuré. Ses traits se se boursouflent, se creusent, perdent leurs couleurs, tremblent de fureur, se figent en une posture hiératique inquiétante. On a aucun mal à croire que 15 ans ont passé (alors qu'entre le "Parrain I" et le "Parrain 2" il ne s'est écoulé que deux ans). Il en va de même pour Kay (Diane KEATON) qui en perdant son innocence (ou son aveuglement?) semble avoir également pris un terrible coup de vieux. Sa décision radicale de rompre les liens avec les Corleone se fait par le seul point ou elle ait le pouvoir d'anéantir le mal que Michael porte en lui: en le privant d'un héritier. La vengeance de celui-ci n'en sera que plus terrible.
Enfin ce volet est également remarquable de par son ancrage historique très fouillé que ce soit à l'époque de Vito avec la reconstitution de l'arrivée des migrants à Ellis Island et le quartier de little Italy ou à celle de Michael avec la révolution cubaine de 1959 (le renversement du dictateur Batista par Fidel Castro). Il faut rajouter que ces événements ne sont pas dépeints en toile de fond mais qu'ils sont intégrés à l'histoire.
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