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Dilili à Paris

Publié le par Rosalie210

Michel Ocelot (2018)

Dilili à Paris

"Dilili à Paris" est le huitième long-métrage de Michel Ocelot. Tant sur la forme que sur le fond, il a choisi de célébrer l'hybridité, se mettant volontairement dans une position inconfortable. En effet son film a divisé les critiques l'ayant vu en avant-première mondiale au festival d'Annecy et il risque de provoquer les mêmes réactions à sa sortie. Pourtant si la démarche d'Ocelot peut paraître déconcertante, elle est profondément cohérente.

Tout d'abord sur le plan esthétique, il a utilisé pour décor de vraies photos de Paris qu'il a retravaillées afin de leur donner un cachet Belle Epoque. Sur ces décors en 3D, il a greffé ses personnages animés en 2D qui forment des à-plats de couleurs vives de toute beauté. Le résultat est somptueux, un vrai régal pour l'œil, d'autant que beaucoup de plans reprennent les courants artistiques de cette époque, de l'impressionnisme à l'art nouveau d'Alphonse Mucha en passant par les toiles exotiques du Douanier Rousseau. La scène finale en ballon dirigeable sur fond de tour Eiffel est magique.

Ensuite il a choisi de naviguer à vue entre le conte poétique pour enfants et le pamphlet politique pour adultes, sans filtre et sans prendre de gants. Cela a déplu à certains qui l'ont trouvé moralisateur et peu subtil. La mise en scène est pourtant par moments franchement percutante. Je pense en particulier à la scène de début dotée d'un travelling arrière choc qui met en abyme le regard du spectateur sur "l'Autre" à travers la mise en scène des zoos humains. Il y a aussi le concept des femmes "quatre-pattes". Si le voile noir qui les recouvre fait penser aux tenues islamiques, les femmes à quatre pattes ou dans des positions humiliantes existent réellement, plus ou moins stylisées dans le domaine de la sculpture ou de l'ameublement occidental (la femme-fauteuil, la femme-table etc.)

Enfin pour enfoncer le clou du pamphlet anti-raciste et anti-sexiste, il a choisi une héroïne métisse venue de Nouvelle-Calédonie que l'on regarde comme une française en Kanaky mais comme une indigène de couleur en France. Pour accentuer le décalage et le malaise, il lui donne des manières et une diction parfaite et un costume blanc de petite fille modèle alors que les parisiens s'adressent à elle en lui parlant petit-nègre. Dilili est ainsi moins la petite cousine de Kirikou que la grande sœur de Léopold Sédar Senghor et de Aimé Césaire.

A défaut de pouvoir les croiser, époque oblige, elle rencontre un impressionnant aéropage de célébrités du monde artistique et scientifique de la Belle Epoque dans un dispositif proche du film de Woody Allen "Minuit à Paris". Ils sont censés lui donner des indices sur l'enquête qu'elle mène mais force est de constater qu'un tri aurait été le bienvenu. Beaucoup d'entre eux sont inutiles et ralentissent le rythme du film. En revanche, on remarque que les femmes célèbres sont mises au premier plan: Marie Curie, Sarah Bernhardt, Louise Michel, Emma Calvé, Camille Claudel, Berthe Morisot, Suzanne Valadon. Michel Ocelot aurait même pu leur donner encore plus de place, accentuant les partis-pris féministes de son film.

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