Zéro de conduite: Jeunes diables au collège
Jean Vigo (1933)
"Zéro de conduite" est un ovni en forme de gigantesque doigt d'honneur adressé à la société française bien-pensante. 35 ans avant mai 68, une poignée de jeunes garçons se révoltent contre la grande répression éducative dont ils sont les victimes. "Il est interdit d'interdire" et ça commence par le cigare allumé dans un wagon non-fumeur. On pense beaucoup à "M le Maudit (1931)" de Fritz LANG. A cause de la transition muet/parlant, très perceptible dans deux films réalisés au début des années 30, à cause des ombres expressionnistes qui accentuent l'ambiance carcérale d'un pensionnat filmé comme un cachot et enfin à cause du thème de la pédophilie, perversion indissociable de la répression sexuelle. La guerre au puritanisme hypocrite est déclarée: deux "merde" bien sonores et libérateurs qui devraient être enseignés à tous les enfants d'apparence fragile/efféminée victimes d'attouchements de la part d'adultes qui abusent de leur autorité, une bataille de polochons jubilatoire, une procession païenne où l'ode au phallus désincarcéré remplace le culte de la croix, l'envol du haut du toit et la substitution du drapeau pirate au drapeau tricolore, c'est tout le système de valeurs bourgeois catholique qui est dynamité par cette jeunesse qui "ne respecte rien". Jean VIGO se permet tout en effet, y compris sur la forme: il donne à ces jeunes et leur surveillant bohème les instruments cinématographiques de leur libération : trucages, ralentis, pantomime faisant apparaître Charlot dans la cour de récré, séquence d'animation. Une fantaisie que l'on ne retrouve guère dans la Nouvelle Vague qui prétend être pourtant son héritière. Le film de Jean VIGO a été censuré jusqu'en 1945.
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