Ma Vache et moi (Go West)
Buster Keaton (1925)
L'un des moins connus des longs-métrages de Buster KEATON parce que l'un des moins appréciés. Certains le considèrent même comme le vilain petit canard de sa filmographie. Sauf qu'ils ne voient pas le cygne caché derrière et c'est bien dommage. "Ma vache et moi" n'est pas son film le plus drôle ni le plus spectaculaire. Il est au contraire aride et dépouillé jusqu'à l'os, aussi minéral que le visage de son protagoniste, malmené et balloté mais qui même sous la menace se refuse à esquisser le moindre sourire. Un refus de cautionner un monde de brutes épaisses qui se vérifie à la fin du film quand Roscoe ARBUCKLE, banni de l'industrie hollywoodienne pour un crime qu'il n'a pas commis fait une brève apparition travesti. Buster KEATON est en effet d'un des rares artistes à ne lui avoir pas tourné le dos.
Si je fais par ailleurs référence au conte d'Andersen, c'est parce que le film de Buster KEATON en est une sorte de libre adaptation. Le rapport qu'il entretient avec les animaux est un reflet humoristique de son incapacité à se fondre dans la masse et à s'adapter aux codes sociaux. "Friendless" (sans ami) est non seulement un solitaire mais il agit comme un aimant qui repousse l'instinct grégaire. Il est piétiné par la foule et fait fuir un chien, un cheval, des troupeaux mais aussi le personnel du ranch où il est employé en tant que cow-boy. Plusieurs scènes le montrent arrivant à contretemps lors des repas et dormant seul à l'étable avec une autre brebis galeuse, "Brown Eyes" ("Brunette" en VF), la vache sans cornes elle aussi rejetée hors du troupeau. Il faut dire que le personnage de Friendless est l'antithèse du cow-boy classique. Sa maladresse et sa délicatesse donnent lieu à des gags très amusants (l'échelle pour monter à cheval, le chiffon pour faire rentrer le troupeau, le rasoir pour marquer la vache etc.)
Buster KEATON dresse un parallèle entre la sauvagerie des villes et celle du Far West. Le morceau de bravoure où il lance un troupeau déchaîné sur Los Angeles suscitant désordre et panique est assez jubilatoire même si Keaton n'était pas satisfait du résultat. A mon avis, c'est surtout la conclusion qui n'est pas très satisfaisante car en porte-à-faux avec le reste du film. Le personnage féminin est par ailleurs redondant avec la vache même s'il s'agit de montrer la solidarité des faibles dans la jungle où la loi du plus fort est la seule règle.
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