Le Goût du saké (Sanma no aji)
Yasujiro Ozu (1962)
On n'échappe pas au temps, telle est la conclusion de "La Jetée (1963)" dont le réalisateur Chris MARKER était un passionné du Japon et sa conscience vivace de l'impermanence des choses. C'est d'ailleurs le Kanji de l'impermanence (mu) qui orne la tombe de Yasujirô OZU, le plus intimiste des cinéastes japonais dont le style (caméra au sol, plans fixes) est reconnaissable entre mille. "Le goût du saké" est son dernier film réalisé au début des années 60. Comme dans beaucoup de ses films, il traite du moment crucial où les enfants quittent la cellule familiale, renvoyant les parents à leur solitude, leur vieillissement et la perspective de la mort. Quelques plans de pièces vides et silencieuses et tout est dit. Et lorsque le père refuse d'aller dans le sens du courant c'est à dire garde sa fille auprès de lui, ils vieillissent ensemble dans l'amertume et les regrets. On n'échappe pas au temps.Yasujirô OZU qui n'avait jamais quitté sa mère qu'il venait de perdre peu avant de succomber lui-même à un cancer en savait quelque chose.
Parallèlement à ce drame intimiste, le film montre également par petites touches (toujours ces plans fixes dont la répétition souligne le sens) la transformation du Japon liée à l'occupation américaine et au miracle économique : voiture, enseignes lumineuses, frigo, whisky, baseball, usines, immeubles modernes, golf, érosion du couple et de la famille patriarcale, cohabitent avec la culture du Japon éternel, celle des sols en tatamis où l'on marche déchaussés et où l'on mange en tailleur sur des tables basses et des coussins. La nourriture occupe une place centrale dans la culture japonaise et le titre d'origine y fait référence ("Le goût du congre" un poisson d'automne symbolique de ce film crépusculaire est devenu "Le goût du saké" chez nous, notre connaissance culinaire du Japon étant très limitée).
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