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La maison du docteur Edwardes (Spellbound)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1945)

La maison du docteur Edwardes (Spellbound)

"La maison du docteur Edwardes" est le premier thriller psychanalytique d'Alfred HITCHCOCK. Il annonce aussi bien "Psychose (1960)" (la perte d'identité, la démence) que "Pas de printemps pour Marnie (1964)" (les leitmotivs visuels du traumatisme, l'amnésie, les pulsions sexuelles refoulées). Si le scénario est la grande faiblesse de ce film en ce qu'il utilise la psychanalyse pour résoudre l'énigme sans la moindre subtilité, le brio de la mise en scène compense largement. Comme dans la plupart de ses autres films, Alfred HITCHCOCK mélange pulsions sexuelles et pulsions meurtrières pour offrir des séquences au suspense insoutenable souvent par le truchement d'un objet à fort pouvoir symbolique. L'exemple le plus évident de cette ambivalence est celui où le faux docteur Edwardes (Gregory PECK) quitte la chambre de Constance (Ingrid BERGMAN) au milieu de la nuit armé d'un rasoir ouvert tenu à hauteur du bassin. Rasoir suspendu comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête du docteur Brulov (Michael CHEKHOV) qui héberge le couple en fuite. Hitchcock joue aussi bien sur l'aspect menaçant que sur l'aspect phallique de l'objet (le fait de dormir à côté d'une femme désirable sans pouvoir la posséder peut se transmuer en pulsion meurtrière). Un second objet, le révolver, lié à un autre personnage masculin frustré, le docteur Murchinson (Leo G. CARROLL) joue exactement le même rôle. Côté féminin, la symbolique est tout aussi riche. Lors de leur première rencontre, Constance est envoûtée d'emblée par le regard du pseudo-Edwardes (éclairé d'une manière suggestive) et dessine à la fourchette sur la nappe une forme qui ressemble à un vagin. Puis lorsqu'elle décide de concrétiser son désir, elle monte un escalier vers une porte fermée sous laquelle dépasse un rai de lumière. Lorsqu'elle ira voir le docteur Murchison pour le démasquer, Alfred HITCHCOCK reprendra significativement la scène à l'identique. Enfin lorsque a lieu le premier baiser, sept portes s'ouvrent les unes derrière les autres jusqu'à libérer le septième ciel d'une blancheur éblouissante (leitmotiv qui ne trouve sa pleine signification qu'à la fin).

"La maison du docteur Edwardes" comporte enfin une séquence expérimentale tout à fait remarquable, celle du rêve dessinée par Dali. Voici ce que Alfred HITCHCOCK disait à propos de cette scène: "Quand nous sommes arrivés aux séquences de rêve, j'ai voulu absolument rompre avec la tradition des rêves de cinéma qui sont habituellement brumeux et confus, avec l'écran qui tremble, etc. J'ai demandé à David O. SELZNICK de s'assurer la collaboration de Salvador Dali. Il a accepté mais je suis convaincu qu'il a pensé que je voulais Dali à cause de la publicité que cela nous ferait. La seule raison était ma volonté d'obtenir des rêves très visuels avec des traits aigus et clairs, dans une image plus claire que celle du film justement. Je voulais Dali à cause de l'aspect aigu de son architecture - Chirico est très semblable - les longues ombres, l'infini des distances, les lignes qui convergent vers la perspective… les visages sans forme…
Naturellement, Dali a inventé des choses assez étranges qu'il n'a pas été possible de réaliser.. J'étais anxieux parce que la production ne voulait pas faire certaines dépenses. J'aurais voulu tourner les rêves de Dali en extérieurs afin que tout soit inondé de lumière et devienne terriblement aigu, mais on m'a refusé cela et j'ai du tourner en studio." Effectivement le producteur n'aimait pas cette séquence (sans doute trop avant-gardiste pour lui) et l'a faite considérablement raccourcir mais le résultat reste impressionnant, encore aujourd'hui.

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