L'Ultime Razzia (The Killing)
Stanley Kubrick (1956)
"L'Ultime Razzia" est le troisième film de Stanley Kubrick et son premier film majeur. Puisant son inspiration dans les films noirs de John Huston à qui il emprunte également l'un de ses acteurs phares, Sterling Hayden, il n'en reste pas moins que le long-métrage porte la marque d'un style original. Kubrick utilise les codes du genre (mythe du "dernier coup", femme fatale etc.) et démonte minutieusement les mécanismes du film de casse en déstructurant la narration. Il n'était pas si fréquent à l'époque de briser ainsi la linéarité de l'intrigue pour faire des flashbacks en montrant une même scène avec des points de vue différents. Une mise en scène qui influencera beaucoup le style de Quentin Tarantino par exemple.
Mais ce qui intéresse vraiment Kubrick, c'est l'écart entre la théorie et la réalité. Sur le papier, le plan a l'air parfait, dans la pratique, la belle mécanique va s'enrayer et s'autodétruire. Dans chacune des pièces du puzzle, Kubrick introduit une part d'imprévisibilité qui fait monter la tension. Par exemple Micky Arano (Timothy Carey), le tireur est sans cesse importuné par le gardien du parking dans lequel il s'est posté pour tuer le cheval vedette de la course. Ou encore le policier véreux, Randy Kennan (Ted De Corsia) qui est interpellé par une femme juste au moment où il doit aller se poster sous la fenêtre d'où Johnny Clay (Sterling Hayden) doit balancer l'argent du braquage. Or, la voix off du film le martèle, chaque seconde compte. C'est pourquoi les quinze minutes de retard de Clay auront un impact décisif sur le dénouement du film. Dénouement dans lequel un petit chien jouera le rôle non de l'ultime razzia mais du grain de sable de trop!
Mais encore plus que l'imprévu, ce sont les faiblesses humaines qui vont priver les protagonistes des fruits de leur hold-up et les vouer à une fin tragique. C'est dans ce domaine que le scénario s'avère le moins convaincant. On sent bien que la mécanique de précision de sa narration et mise en scène importe plus à Kubrick que ses personnages. Il n'est pas crédible deux secondes qu'un gangster aguerri comme Johnny Clay prenne pour complice un homme aussi faible que George Peatty (Elisha Cook Jr) qui vit sous le joug de son épouse vénale et manipulatrice, Sherry (Marie Windsor) qui veut récupérer le magot pour elle et son amant Val Cannon (Vince Edwards). Agissant dans la précipitation, Clay commet d'ailleurs d'autres erreurs d'amateur qui lui seront fatales. C'est pourquoi la résolution de l'histoire est un peu trop sèche et mécanique pour satisfaire pleinement.
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