Retour à Howards Ends (Howards Ends)
James Ivory (1992)
"Retour à Howards End", comédie de mœurs et satire sociale âpre est à la fois un film cruel et lucide sur l'époque édouardienne et l'inéluctable mutation de sa société. Il s'agit de la troisième et dernière adaptation d'un roman de E.M. Forster par le trio James Ivory, Ismail Merchant et Ruth Prawer Jhabvala après "Chambre avec vue" en 1986 et "Maurice" en 1987.
Le superbe cottage qui donne son titre au film évoque l'éden inaccessible, celui d'une société qui vivrait en harmonie alors qu'elle est fracturée par le conflit de classes. A priori, il ne s'agit que de la résidence secondaire de la richissime famille Wilcox, représentant de la vieille bourgeoisie d'affaires très conservatrice. Henry Wilcox (Anthony Hopkins) et ses enfants dédaignent cette propriété, lieu de naissance de l'épouse, Ruth Wilcox (jouée par Vanessa Redgrave). Celle-ci ne semble jamais s'être remise d'avoir été arrachée à son terreau natal et dépérit à vue d'oeil. Elle symbolise une aristocratie qui s'étiole à force d'être repliée sur elle-même. Mais elle revit lorsqu'elle fait la connaissance de Margaret Schlegel (Emma Thompson), la sœur aînée d'une fratrie de la bourgeoisie intellectuelle plus moderne et émancipée que celle des Wilcox. Cette différence sociale entre ancienne et nouvelle bourgeoisie suffit pourtant à dresser des murs entre les deux familles. L'idylle esquissée entre le cadet Wilcox et la sœur de Margaret, Helen (Helena Bonham Carter) est tuée dans l'œuf. Et quand Ruth veut inviter Margaret à visiter Howards End, le reste de la famille déjoue ses plans et va jusqu'à détruire le testament improvisé qu'elle avait rédigé sur son lit de mort et où elle léguait son bien à Margaret. Mais l'ironie du sort fera qu'après bien de cruelles péripéties, celle-ci deviendra réellement propriétaire du lieu.
Mais comme la bourgeoisie ne suffit pas à représenter toute la société et ses transformations, Howards End ne peut représenter l'éden sans que le peuple n'y retrouve sa juste place. C'est à la suite de péripéties encore plus cruelles que celles qui opposent les Wilcox et les Schlegel que le fils de Léonard Bast (Samuel West), modeste employé de bureau tirant le diable par la queue deviendra le seul héritier de la magnifique propriété des Wilcox.
Comme dans ses autres films, on est ébloui par la finesse de l'interprétation et la façon dont Ivory la met en valeur par sa mise en scène pleine de nuances et de sensibilité.
Commenter cet article