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Oliver Twist

Publié le par Rosalie210

David Lean (1948)

Oliver Twist

"Oliver Twist" est le roman le plus connu de Charles Dickens et l'un des plus adaptés que ce soit pour le théâtre, le cinéma ou la télévision. Après "Les Grandes Espérances" en 1946, "Oliver Twist" est le deuxième film de David Lean inspiré par cet auteur. Ce n'est cependant pas la première version cinématographique du roman puisqu'un film muet du début des années 20 a été retrouvé dans les années 70 avec Lon Chaney (dans le rôle de Fagin) et Jackie Coogan (dans le rôle d'Oliver). Les versions antérieures ont été perdues partiellement ou totalement.

La version de David Lean est l'une des plus fidèles au roman dont elle restitue la critique sociale et la puissance romanesque. Elle conserve aussi l'aspect mélodramatique et les invraisemblances des rebondissements propres aux conventions du roman-feuilleton. S'y ajoute l'excellence de l'interprétation et une mise en scène inspirée, proche par moments de l'expressionnisme allemand. La séquence d'ouverture, très forte, fait penser à "Faust" de Murnau. On y voit une jeune femme sur le point d'accoucher, hors mariage et donc sans abri, luttant contre les éléments déchaînés symbolisant sa propre douleur. La photographie donne une allure inquiétante aux branches nues des arbres, aux nuages noirs qui s'amoncellent et au souffle du vent sur l'eau. Et lorsqu'elle entre à l'hospice, la mise en scène suggère qu'elle enferme son enfant dans un tombeau. La privation d'air et de lumière à laquelle est soumise Oliver est sans cesse rappelée, suggérant son interminable descente dans les enfers des bas-fonds. A l'hospice, il travaille et vit dans des espaces souterrains. Chez le croque-mort, il dort parmi les cercueils et mange au sous-sol. Chez Fagin, il vit dans un taudis aux fenêtres closes. Les décors (par exemple les toiles peintes représentant la ville en perspective, les escaliers qui se chevauchent, les coins de rue en arêtes vives) sont hérités également du muet. On pense par exemple à "L'heure suprême" de Frank Borzage avec le pont suspendu au dernier étage d'un immeuble parisien offrant une vue onirique sur la cité endormie.

Mais par contraste avec ces ténèbres qui l'entourent, la lumière est également soulignée. Celle qui émane d'Oliver, petit garçon pâle et frêle qui conserve son innocence en dépit de toutes les horreurs qu'on lui fait subir et en dépit des tentatives de corruption dont il est l'objet. Celle des gens qui le reconnaissent comme tel et tentent de le protéger, jouant le rôle des parents qu'il a perdu. M. Brownlow dont la demeure évoque le paradis perdu puis retrouvé et Nancy qui en se sacrifiant apparaît comme une mère de substitution. Ce symbolisme a d'ailleurs fait l'objet d'une polémique à la sortie du film, taxé d'antisémite. Oliver est un petit ange blond qui fait très aryen alors que Fagin (joué par un Alec Guiness méconnaissable sous le maquillage) possède tous les traits de la caricature antisémite très vivace dans les années 30 et 40: énorme nez crochu, barbe et cheveux longs, dos voûté, air fourbe, avarice... Lean s'est défendu en disant que jamais le mot juif n'est prononcé dans le film. Mais en fait, l'antisémitisme est logé dans l'œuvre originale. Lean s'est inspiré des descriptions de Dickens et des illustrations de Cruikshank les accompagnant. Comme le souligne Laurent Bury (professeur de littérature anglaise à Lyon 2) dans les bonus du DVD, les auteurs britanniques du XIX° étaient presque tous antisémites, cette caricature était donc largement répandue.

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