Les Temps morts
René Laloux (1964)
Un court-métrage mêlant habilement le documentaire en noir et blanc et prise de vues réelles et le dessin à l'encre noire à peine animé. Le tout forme une satire au vitriol des pulsions meurtrières de l'être humain.
Dès les premières images, le ton antimilitariste du film est donné. On voit des gamins jouant à la bagarre et à la guerre pendant que le commentaire affirme de façon un peu provocante que "sur ce monde vivent des êtres pourvus de quatre membres. Deux pour avancer ou reculer, les inférieurs. Deux pour tuer, les supérieurs. Principale ressource de l'homme, la mort. Il en vit, il en meurt aussi." Les dessins surréalistes de Topor qui montrent une humanité fracassée, mutilée par la violence sont à la fois beaux et dérangeants. La séquence où Marianne, debout sur des cadavres embroche un innocent au bout de son épée s'inspire sans doute de la Une du journal satirique anticolonialiste du début du vingtième siècle "L'Assiette au beurre" montrant un soldat français tenant une épée avec deux enfants africains empalés dessus et son supérieur lui disant "Deux d'un coup! C'est superbe, tu auras la croix".
L'hypocrisie de la bonne société qui se nourrit de chair à canon est dénoncée. 40 avant la fameuse formule de Patrick Le Lay sur le temps de cerveau humain disponible pour manipuler ses comportements de consommateur dans une société capitaliste on est frappé par la similitude de cette phrase formulée dans un contexte de société belliciste: "Il reste toujours des vivants. Il en faut pour recommencer. Que faire pour ces cadavres du futur? Leur donner l'oubli donc des loisirs." Lesquels ("les temps morts") consistent à continuer le massacre sur d'autres victimes, les animaux par exemple ou bien la criminalité domestique. "L'homme pense, donc il vise bien!" (Quel détournement de la formule de Descartes "Je pense donc je suis"). Et le film de se terminer sur cette forme d'assassinat légal qu'est la peine de mort, sous toutes ses formes.
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