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Visages, villages

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda et JR (2017)

Visages, villages

C'est un drôle de road movie documentaire qui l'air de rien ausculte la mémoire et le temps. Et qui questionne le regard. Un regard pluriel, fait de rencontres successives avec des lieux (le plus souvent en sursis) et des gens (humbles, marginaux et souvent âgés donc eux-mêmes en sursis). On roule ainsi d'une rue de corons dont la démolition est suspendue à la mort de sa dernière résidente à un village côtier à demi-construit puis abandonné en passant par un empilement de conteneurs, un bunker échoué sur une plage etc. De ces rencontres sans lendemain et de ces installations vouées à disparaître, Agnès Varda et JR tirent des instants d'éternité et rendent visibles l'invisible. JR, le jeune photographe plasticien magnifie par des collages géants sur les murs les visages des ceux qui vivent et travaillent dans ces lieux. Agnès Varda filme comme elle l'a toujours fait la mort au travail pour paradoxalement lui voler ces moments en les fixant pour toujours sur pellicule. Le passage le plus emblématique est celui où elle filme le collage sur le bunker d'une photo géante de Guy Bourdin jeune qui semble dormir dans un berceau et aussitôt après le même bunker balayé par la marée et le collage totalement effacé.

La relation entre Agnès et JR, tendre et humoristique est le fil conducteur de l'histoire. Agnès Varda aime les tandem à la Laurel et Hardy (comme dans "Jeanne B. par Agnès V.") Leur duo assez insolite est intrigant et attachant. Et tourne lui aussi autour de la question du temps, de la mémoire et du regard. JR vit au présent, Agnès Varda vit dans le passé. Comme dans son précédent film "Les plages d'Agnès", elle retrouve au hasard de ses pérégrinations ses chers disparus: Nathalie Sarraute, Guy Bourdin, Henri Cartier-Bresson. Et aussi les fantômes de Jacques Demy et de Jean-Luc Godard dont l'opacité lui rappelle JR. En effet si le regard d'Agnès est de plus en plus flou à cause de la maladie dégénérative qui lui voile les yeux, celui de JR est caché par d'épaisses lunettes noires qu'il ne veut pas enlever devant sa caméra. Sauf à la fin lorsque pour consoler Agnès il lui donne cette part de lui-même. Son visage devient alors celui de son regard à elle: flou.   

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