Kedi- Des chats et des hommes
Ceyda Torun (2017)
Bien que soutenu par "30 millions d'amis", "Kedi- Des chats et des hommes" n'est pas seulement un documentaire animalier. Certes, les héros sont des minous et la réalisatrice filme à leur hauteur. Elle utilise pour cela des systèmes ingénieux tels que des plates-formes roulantes très basses sur lesquelles sont fixées les caméras, ou une voiturette télécommandée transformée en caméra. Le résultat est fascinant pour les amoureux des chats et permet une proximité avec les petits félins rarement vue à l'écran.
Mais le vrai sujet du film c'est l'analyse d'un écosystème liant une ville, Istanbul, ses habitants (du moins certains d'entre eux) et les chats de gouttière qui peuplent ses rues. Un écosystème menacé par le bétonnage et la gentrification de la capitale économique de la Turquie. Ce sujet est abordé mais pas suffisamment creusé par la réalisatrice alors qu'il est crucial.
Ce n'est pas par hasard qu'Istanbul est surnommée "la ville des chats". Carrefour civilisationnel majeur, le port a accueilli au fil du temps des chats venus du monde entier échappés des bateaux où ils avaient été embarqués pour chasser les rats. Par conséquent leur population est extrêmement variée et nombreuse, on estime qu'elle compte entre 50 et 100 mille âmes. Une partie des recettes du film sera d'ailleurs reversée à "30 millions d'amis" pour procéder à une campagne de régulation de la population féline d'Istanbul afin d'éviter leur croissance exponentielle qui serait ingérable.
Car le cœur du film, c'est le lien très fort qui existe entre ces chats et les habitants et qui ne ressemble pas exactement à celui que nous connaissons en France. On est frappé par la beauté et l'air bien portant de tous ces chats des rues. En effet les stambouliotes qui s'en occupent le font avec amour et sans compter leur peine ni leur argent. Mais ils ne se les approprient pas, les chats conservent leur indépendance. C'est en toute liberté qu'ils viennent demander de la nourriture ou des câlins ce qui est très gratifiant pour l'homme car la décision de se tenir à leurs côtés émane d'un choix et non d'une dépendance. En échange de l'aveu même des habitants, ils créent du lien social, apportent du réconfort, font baisser le stress, absorbent les énergies négatives au point de constituer un remède efficace à la dépression. Cette vertu thérapeutique des chats se double d'un lien spirituel. Dans la religion musulmane comme dans l'Egypte ancienne, les chats sont considérés comme des êtres sacrés, des manifestations du divin. Le chat semble lui-même considérer l'homme comme l'instrument de Dieu, celui qui l'aide à survivre, lui apporte chaleur et amour. Le film explore ce "renvoi d'ascenseur" à travers l'exemple d'un pêcheur protecteur de chatons abandonnés qui a retrouvé la foi grâce à un chat. Celui-ci l'avait guidé vers un portefeuille qui lui a permis de racheter son bateau qui avait coulé.
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