Ratatouille
Brad Bird (2007)
Un Pixar cinq étoiles, le deuxième réalisé par Brad Bird après les "Indestructibles". "Ratatouille" est une fable très riche qui en dépit de ses décors de carte postale rétro parle de notre monde contemporain avec une grande acuité. Le tout avec un savoir-faire comique digne des meilleurs films burlesques et une belle inventivité visuelle.
"Ratatouille" est une critique de la mondialisation libérale et son nivellement culturel par le bas, de la compétition à outrance et des rapports de pouvoir, du snobisme, du consumérisme, de l'ignorance, de l'exclusion, des préjugés c'est à dire de tout ce qui s'oppose à la créativité. Laquelle est incarnée par Rémy, un rat d'égout (donc l'équivalent d'un Intouchable) doté d'un odorat très développé, d'un goût raffiné et d'un désir de création artistique dans le domaine culinaire. Un don encouragé par un grand chef, Auguste Gusteau qui a écrit un livre destiné à rendre la grande cuisine accessible à tous. Mais cet acte de générosité a été largement incompris et a entraîné sa déchéance. Il arrivera d'ailleurs exactement la même chose à Anton "Ego" lorsqu'il renoncera à sa plume assassine en publiant enfin une critique de contrition, à la fois humble et positive sur le talent de Rémy.
Mais il n'y a pas que la société humaine qui refuse d'être éclairée. La communauté de rats dans laquelle vit Rémy est tout aussi obscurantiste. Le frère obèse et bêta de Rémy, Emile n'a aucune éducation alimentaire et mange n'importe quoi (on voit bien à quoi cela fait allusion), il est effrayé par les ambitions de Rémy et son savoir. Quant au père, persuadé de l'irréductible hostilité des humains à l'égard des rats, il méprise ou exploite le don de son fils dans un but purement utilitariste.
Rémy est donc aussi incompris d'un côté que de l'autre ce qui fait de lui un personnage torturé entre son besoin d'accomplissement dans les hautes sphères et sa loyauté vis à vis de sa famille de parias . C'est à juste titre qu'on l'a comparé à Cyrano obligé de trouver une couverture pour dissimuler son apparence et pouvoir exprimer son art. Et ainsi s'opposer au sous-chef Skinner, véritable Iznogoud dont le complexe d'infériorité nourrit la cupidité et la soif de pouvoir. Ce dernier a vendu l'image de Gusteau aux chaînes agroalimentaires industrialisées et règne en tyran sur la cuisine (un monde très machiste comme le rappelle Colette, le seul personnage féminin du film).
Le talent de l'équipe du film est aussi d'avoir réussi à nous faire entrer dans la peau de Rémy. La caméra adopte souvent son point de vue ce qui permet de jouer sur les échelles et les espaces (celui très feutré de la salle de restauration par opposition à celui très encombré et hystérique de la cuisine sans parler des égouts, de la réserve et des toits). Cela donne des scènes mouvementées pleines de gags irrésistibles mais également émouvantes devant la fragilité et la précarité du héros.
"Ratatouille" est exactement à l'image de son titre: une recette simple en apparence (de nombreux critiques ont qualifié l'intrigue du film de "classique") mais qui en réalité repose sur un équilibre subtil.
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