La fièvre dans le sang (Splendor in the Grass)
Elia Kazan (1961)
Kansas, 1928. Deux amoureux, Bud (Warren Beatty) et Deanie (Natalie Wood) s'embrassent dans une voiture sur fond de chutes d'eau. On les reverra souvent, ces chutes d'eau car ce qu'elles symbolisent, c'est le désir, libre, animal, indomptable. Mais même au beau milieu de cette nature sauvage, la morale conservatrice de l'Amérique profonde a si bien infusé dans leurs esprits qu'elle coupe tous leurs élans. Ce sont les ravages de ce puritanisme que filme Elia Kazan, la façon dont il embrigade des cerveaux, réprime la sexualité et au final, brise l'individu (comme n'importe quelle tradition patriarcale transmise de génération en génération: mariages arrangés, excision etc.). Les parents de Bud et Deanie sont de purs produits du système. Compensant leurs frustrations par un attachement névrotique à la réussite sociale et à l'argent (placés dans des actions dont la flambée nous le savons est due à une bulle spéculative qui s'achèvera un jeudi noir où les ruinés se défenestreront massivement), ils sont porteur d'un discours patriarcal bien rodé. Le père de Bud est un tyran domestique qui nourrit de grandes ambitions pour son fils à qui il ne donne pas le droit d'avoir des désirs propres. La mère de Deanie, obsédée par la conservation de la virginité de sa fille, lui soutient qu'une femme n'a de rapports qu'après le mariage pour avoir des enfants et satisfaire son mari car elle n'a pas de désirs et de besoins propres. Niés dans ce qu'ils ont de plus intime, le crâne bourré de cette idéologie nauséabonde on comprend pourquoi Bud et Deanie "tournent mal", tout comme Ginny (Barbara Loden), la sœur de Bud avant eux. La fin, douce-amère, apporte un apaisement certain sans pour autant dissimuler les dégâts que cette éducation a produit dans leur vie.
Commenter cet article