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Pas de printemps pour Marnie (Marnie)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1964)

Pas de printemps pour Marnie  (Marnie)

"Un certain degré de cinéphilie encourage parfois à préférer dans l'œuvre d'un metteur en scène son grand film malade à son chef-d'œuvre" (François Truffaut à propos de Pas de printemps pour Marnie). Sauf que tous les chefs d'oeuvre d'Hitchcock sont de "grands films malades" ou plutôt de "grands films sur des malades" déguisés en thrillers où le metteur en scène ne cache pas sa jubilation à manipuler le spectateur et le spectateur, son plaisir à être manipulé (oui, oui, lorsqu'il est sublimé, le sado masochisme a du bon ^^^^^).

Pas de printemps pour Marnie est donc le dernier grand film/chef-d'oeuvre d'Hitchcock. C'est aussi l'un des films de lui que je préfère. Il conclut en beauté une période de créativité exceptionnelle, fruit de la collaboration de toute une équipe (on a tendance à l'oublier). Peu après le tournage, son directeur de la photographie Robert Burks et son monteur George Tomasini moururent. Quant au compositeur Bernard Herrmann, véritable signature sonore de cette époque glorieuse, il cessa de travailler pour Hitchcock à la suite de divergences d'opinion sur son film suivant "Le rideau déchiré."

Comme Psychose, Hitchcock entraîne le spectateur sur une fausse piste, celle du thriller pour mieux basculer dans son véritable sujet qui est le drame psychologique: "La vie n'est qu'un thriller, une enquête qu'on mène chaque jour sur soi-même pour tenter d'élucider ses propres zones d'ombre." (Jean-Christophe Grangé)

La virtuosité de la mise en scène éclate dans les scènes de suspense. Celle, muette, où Marnie pille le coffre dans la pièce de droite alors qu'à sa gauche la femme de ménage avance inexorablement et risque de la découvrir. Celle qui suit où Marnie essaye de s'éclipser sans bruit en enlevant ses chaussures mais l'une d'elles glisse de sa poche et tombe sur le sol. Celle où la caméra plonge et zoome vers la porte d'entrée pour révéler l'entrée de Strutt chez les Rutland dans un cadrage identique à celui du début du film où il découvre qu'il a été volé. Va-t-il démasquer Marnie?

Mais les aspects techniques ne constituent pas le seul intérêt du film (sinon ce serait juste un exercice de style). Ils accompagnent une histoire à tiroirs et des personnages complexes aux motivations troubles. Pas de printemps pour Marnie est un film psychanalytique, un des plus freudiens d'un cinéaste fasciné par les profondeurs tourmentées de l'âme humaine. L'héroïne (remarquablement interprétée par Tippi Hedren qui alterne moments de glaciation et moments de crise où elle régresse à l'état infantile) est un "cas clinique" dont le traumatisme d'enfance non soigné perturbe toute sa vie adulte. Hitchcock multiplie les signes et les symboles de sa névrose: le premier plan du film montrant un sac fermé en gros plan symbolise la frigidité de Marnie, sa phobie de la couleur rouge renvoie au sang du meurtre et du viol etc. Mais son mari, Mark (joué par Sean Connery) n'est pas moins intéressant. Dès leur première rencontre, son ambivalence (il est à la fois un prédateur, un protecteur et un sauveur) est mise en lumière "Sophie est un jaguarondi. Je l'avais dressée/A quoi faire?/A me faire confiance/C'est tout?/C'est beaucoup pour une chatte sauvage." Marnie (que l'on peut assimiler aux chevaux qu'elle vénère) devient son nouveau trophée de chasse "Vous m'avez prise au piège comme un animal/C'est vrai, j'ai attrapé l'indomptable. Je vous ai prise et je ne vous lâche plus." On sent chez lui une excitation à dominer cette femme qui lui résiste (très perceptible lors de la scène de viol) qui peut s'apparenter à de la perversion. Richissime et beau gosse, il peut avoir toutes les femmes qu'il désire or il jette son dévolu sur celle qui le fuit et hurle à son approche. En même temps il manifeste une patience et une persévérance à toute épreuve aussi bien pour apprivoiser le "fauve" que pour percer son mystère et l'aider à guérir.

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