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Le Jour se lève

Publié le par Rosalie210

Marcel Carné (1939)

Le Jour se lève

"Le jour se lève" c'est d'abord ce décor incroyable imaginé par Alexandre Trauner. Un immeuble de 5 étages dont la verticalité et la hauteur menaçante tranchent avec l'environnement encore très villageois d'une ville ouvrière d'avant guerre.

Il en va de même avec les plans extérieurs de l'usine. Le "temple de la révolution industrielle" est une architecture surdimensionnée et son éclairage à contre-jour par le chef-opérateur Curt Courant renforce encore l'impression d'un monstre écrasant ses proies comme dans Métropolis de Lang ou Les Temps modernes de Chaplin réalisé seulement trois ans avant "Le jour se lève".

L'intérieur de l'usine est tout aussi cauchemardesque. Des alignements de scaphandres qui travaillent dans la poussière et dans le bruit. "Je t'l'avais dit, c'est tout ce qui a de sain ici" dit ironiquement François (Jean GABIN) à Françoise (Jacqueline Laurent) qui contemple avec désolation son bouquet de fleurs fané en quelques minutes au contact de l'air vicié. C'est un poète insurgé contre l'aliénation de l'homme à la machine qui parle: Jacques Prévert.

On retrouve d'ailleurs son personnage fétiche du Roi et l'Oiseau: l'aveugle au costume noir et aux lunettes rondes. Dans les deux films, il fait partie de ce monde ouvrier filmé en plongée, écrasé, opprimé, balayé par la police qui désire faire place nette (adieu les espoirs du Front Populaire et bonjour Vichy!)

Mais ce n'est pas un roi qui trône tout en haut de la tour d'ivoire. C'est un ouvrier qui s'est barricadé dans sa chambre après avoir craqué et tué l'homme qui le torturait psychologiquement (Jules Berry, pervers à souhait). Un drame passionnel indissociable de sa révolte contre sa condition d'éternel soumis:"Y'a une place à prendre, une bonne petite place, un bon ptit boulot avec des heures supplémentaires. Alors allez-y qu'est ce que vous attendez. Un bonheur là, tout un ptit bonheur!"

Oui François a changé comme tous ne cessent de le dire, il ne se reconnaît même plus dans la glace au point de la briser en mille morceaux. Certes, sa révolte solitaire est sans issue, condamnée à l'image de sa porte murée par l'armoire normande. Mais qu'on ne vienne pas me dire que le réalisme poétique est incapable de contestation et de courage politique. Ce sont ces critiques là qui sont aveugles.

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