La Flûte enchantée (Trollflöjten)
Ingmar Bergman (1975)
On associe aujourd'hui l'œuvre d'Ingmar Bergman ainsi que l'opéra en général à un certain élitisme. Historiquement, rien n'est plus faux. Le singspiel, genre d'où est issu "La flûte enchantée" se rapproche de l'opéra-comique français de par son mélange des genres (de la farce au drame) tout en puisant son inspiration dans le folklore allemand. C'est justement pour reconnecter l'œuvre de Mozart à ses racines populaires que Bergman a eu l'idée de ce film prévu au départ pour être diffusé à la télévision suédoise. Cette volonté de vulgarisation explique aussi la traduction du livret en suédois, les nombreux plans sur les spectateurs au profil varié (à l'inverse de ce que l'on observe dans une salle d'opéra habituellement) ou les coupes effectuées dans l'histoire. En effet si la musique est célébrissime, l'histoire est des plus absconse, sans doute peuplée de références maçonniques auquel le non-initié ne comprend rien. L'implication politique est d'ailleurs ce qui différencie le singspiel de l'opéra-bouffe ou de l'opérette. Bergman rend les enjeux de l'histoire limpides avec un combat du bien contre le mal et met aussi en valeur l'aspect ludique et enfantin de l'opéra à travers l'oiseleur Papageno notamment qui est assez irrésistible. Il rend également hommage au monde du théâtre en filmant régulièrement ses coulisses ce qui donne lieu à des scènes assez cocasses notamment pendant l'entracte. Son film fusionne ainsi harmonieusement trois arts: le théâtre, l'opéra et le cinéma. En effet de nombreux plans cinématographiques (zooms avant et arrière, champs et contrechamps, plongées et contre-plongées etc.) contredisent l'impression de théâtre filmé qui s'en dégage au premier abord.
Ainsi aux antipodes de l'image que l'on peut s'en faire, Bergman est un formidable passeur de culture et un magnifique peintre du monde de l'enfance. Je peux en témoigner, l'ayant découvert vers l'âge de 10 ans avec une autre œuvre diffusée pour la télévision à l'époque où je n'avais pas accès au cinéma: "Fanny et Alexandre". Un film-testament où il recrée son enfance entre lanterne magique et ténèbres.
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