Ici on noie les algériens
Yasmina Adi (2011)
En 2008, Yasmina Adi avait réalisé un documentaire qui s'intitulait "L'autre 8 mai 1945 - Aux origines de la guerre d'Algérie". Il était consacré à la répression sanglante qui avait touché les algériens célébrant la victoire contre l'Allemagne nazie à Sétif, Guelma et Kherrata. Un défilé qui s'était transformé en manifestation pour l'indépendance. La répression avait fait entre 1100 et 45 mille morts et encore aujourd'hui suscite la guerre des mémoires comme l'a montré la sortie du film Hors la Loi de Rachid Bouchareb en 2010.
C'est à un autre tabou/angle mort de l'histoire franco-algérienne que s'attaque Yasmina Adi dans ce documentaire réalisé en 2011 pour les 50 ans du massacre du 17 octobre 1961. La France est alors plongée depuis 7 ans dans la guerre d'Algérie et ses ravages ont des répercussions sur les algériens musulmans vivant en métropole. A l'appel du F.L.N., ceux-ci décident de manifester pacifiquement à Paris pour le rétablissement de leurs droits bafoués et notamment la levée du couvre-feu qui de 20h30 à 5h du matin les empêchaient de sortir, comme s'ils étaient des "ennemis de l'intérieur". Officiellement la répression fait 2 morts et une centaine de blessés mais dans les jours et semaines qui suivent on repêche une soixantaine de cadavres dans la Seine.
Ce sont ces cadavres que Yasmina Adi fait parler. Pas directement bien sûr mais elle interroge de nombreux témoins de la répression: des veuves de manifestants tués, des manifestants en ayant réchappé par miracle et aussi des médecins français qui ont essayé de soigner les blessés ou sont intervenus dans les centres d'internement pour les aider. On découvre avec effroi non seulement les similitudes entre cet événement et celui de 1945 mais aussi avec les rafles de la seconde guerre mondiale, un trait d'union étant le haut fonctionnaire Maurice Papon qui était secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 42 et 44 et préfet de la police de Paris en 1961. Une facette obscure de la France que certains cherchent de nouveau à enfouir sous "les aspects positifs de la colonisation".
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