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Elephant man

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1980)

Elephant man

Pourquoi dès qu'un grand metteur en scène fait un film qui dépasse ses seules obsessions pour atteindre l'universel dit-on de son film qu'il est "académique"? J'ai lu ce qualificatif à propos du "Pianiste" de Polanski et d'"Éléphant Man" de Lynch. Et bien à mes yeux ce sont leurs chefs-d'œuvre et non "Rosemary's Baby" (et sa fin satanique qui sombre dans le ridicule) et "Mulholland Drive" (le film snob pour les snobs par excellence).

Éléphant Man plonge les racines de sa bouleversante humanité dans la baraque à Freaks de Tod Browning. il en extrait un être dont la monstruosité physique est à l'inverse de l'intelligence, du talent et de la noblesse morale. John Merrick (John Hurt, vulnérable et sensible) devient ainsi un miroir de vérité dans lequel chacun peut se voir vraiment tel qu'il est. Il y a ceux qui le considèrent comme une source de profit, un objet ou un animal, il y a ceux qui se laissant envahir par la peur et la haine de la différence veulent le lyncher (sans jeu de mots). A l'autre bout il y a les freaks plutôt solidaires (comme chez Browning) et une actrice qui à l'égale d'une chanteuse lyrique est à l'écoute de la voix intérieure des êtres. Entre les deux, il y à Treves le chirurgien de l'hôpital (formidablement interprété par Anthony Hopkins une décennie avant qu'il n'explose dans le rôle du psychopathe Hannibal Lecter.) Treves est accusé durant tout le film de jeter Merrick en pâture à ses camarades médecins et à la bonne société pour servir ses ambitions. Mais lorsqu'il pleure en voyant Merrick pour la première fois, lorsqu'il cherche à communiquer avec lui, puis lorsqu'il l'invite chez lui on devine que quelque chose d'intime se joue entre les deux hommes. Merrick qui a été pourtant abandonné à la naissance manifeste une tendre dévotion envers sa mère alors que l'on comprend à demi-mot que Treves et son épouse ont été abandonnés par leurs enfants et en souffrent. Comme le dit Hélène Nicolas, une autiste lourdement handicapée dans "Dernières nouvelles du cosmos" seul l'amour nous sépare du vide. John Merrick peut partir tranquille en ayant la certitude d'être aimé.

Présentation:

Il y a des films dont la perception ne change guère, quel que soit le support sur lequel on les visionne. Et puis il y a ceux à qui l'expérience de la salle de cinéma offre un supplément d'âme. C'est le cas de "Elephant Man" de David Lynch qui est ressorti au cinéma en version restaurée comme ses autres films (sauf "Dune") à l'occasion du décès du cinéaste le mois dernier. La sensorialité du film est décuplée, nous plongeant dans un bain sonore qui donne un relief puissant à toutes les agressions que subit John Merrick: les coups frappés à sa fenêtre par l'homme qui veut l'exploiter, le sifflement provoqué par les jets de vapeur du train quand il est poursuivi par la foule, les cris des singes quand il est mis en cage. David Lynch choisit de faire partager l'expérience de l'humanité souffrante et de placer la société victorienne dans toutes ses strates et tous ses paradoxes en miroir par rapport à celle-ci. Le cinéma est certes une affaire de temps mais aussi de regard. Impossible d'oublier celui du docteur Treves (joué par le grand Anthony Hopkins, complètement habité par son rôle.) découvrant John Merrick, se découvrant lui-même à travers John Merrick. Et pourtant, il y a aussi du Bytes, le forain qui l'exhibe contre de l'argent en Treves parce que Treves possède un statut social alors que John Merrick en est dépourvu. La tentation de se servir de lui pour renforcer sa position est donc forte et le dispute à l'empathie de celui qui ressent en l'autre son frère humain dans ce qu'il a de plus beau, de plus pur mais aussi de plus vulnérable. Si tout le monde n'a pas fait l'expérience du handicap, de l'exclusion, de la maltraitance, tout le monde a vécu celle d'avoir été un enfant, vulnérable et impuissant face au monde des adultes. La plupart l'ont oublié. "Elephant Man" agit comme une piqûre de rappel.

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