E.T. L'extra-terrestre (E.T.the Extra-Terrestrial)
Steven Spielberg (1982)
On colle à E.T. l'étiquette de "film pour enfants" mais c'est avant tout un grand film humaniste. Steven Spielberg a pris à contrepied la majeure partie des œuvres de science-fiction où les extraterrestres jouent le rôle de bouc-émissaire en endossant la part monstrueuse en nous que nous ne voulons pas assumer.
L'extraterrestre est le plus souvent une variante de la peur de l'autre. Il est associé au thème fantasmatique de l'invasion que ce soit dans la "Guerre des mondes" de H.G. Wells ou la série des années 60 "Les Envahisseurs" (génialement détournée par les Inconnus dans les années 80 pour dénoncer la peur des migrants, la soucoupe volante devenant un couscoussier puis un bol de riz). Spielberg retourne complètement ce schéma. E.T. n'entre dans la maison que parce qu'il y est invité par Elliott qui l'abrite ensuite dans sa chambre, au milieu de ses peluches. Il y a bien des scènes d'invasion dans le film mais les prédateurs sont des hommes adultes chargés d'espionner la maison d'Elliott puis de l'envahir pour s'emparer de force de l'extraterrestre. Des adultes dont l'inhumanité est soulignée par l'absence de visage. Le haut de leur corps est coupé par une caméra qui filme à hauteur d'enfant (et E.T. est lui-même à cette hauteur) puis celui-ci est dissimulé par un casque de cosmonaute.
Le visage étant le principal vecteur des émotions, on en déduit que Spielberg oppose des adultes mutilés par leur perte de contact avec elles (le symbole des clés accrochées à la ceinture d'un des chercheurs est à ce titre révélateur ainsi que celui des armes dans la version de 1982 et des talkies walkies dans la version retouchée de 2002) à des enfants encore intacts, capables de se connecter aussi bien à leur intériorité qu'au monde qui les entoure. Le thème des enfants extralucides face à des adultes aveugles a souvent été traité au cinéma des Ailes du désir de Wim Wenders (seuls les enfants voient les anges) à Mon voisin Totoro d'Hayao Miyazaki (seuls les enfants voient les esprits de la forêt). Comme chez le réalisateur japonais, capacité d'empathie et respect de la nature sont indissociables. Elliott ressent toutes les émotions de E.T. et libère les grenouilles sur le point de faire les frais du cours de dissection. C'est bien lui Adam, l'homme créé à l'image de Dieu que Michel-Ange a immortalisé au plafond de la chapelle Sixtine par des doigts qui se touchent, iconographie reprise par l'affiche et mêlée à la magie des débuts du cinéma (la lune de Méliès).
Commenter cet article