Delicatessen
Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet (1991)
Charcuterie et poésie au menu tout est dit. Mais quel film, quelle pépite que ce premier long-métrage de Jeunet et Caro que je ne me lasse pas de voir et de revoir. C'est comme si Brazil de Terry Gillam avait rencontré Le Jour se lève de Marcel Carné dans les vignettes BD d'un Métal Hurlant. Et ce qui enchante c'est cette créativité débridée alliée à une précision millimétrée, le tout baignant dans une image aux teintes jaune-orangée signée Darius Khondji.
Nous sommes dans un univers rétrofuturiste situé quelque part entre la seconde guerre mondiale et un futur post apocalyptique. Une sorte de décor steampunk à la sauce Front populaire avec un panel de "gueules" d'ordinaire reléguées aux rôles de troisième couteaux mais qui ici dévorent l'image d'autant plus qu'elles sont filmées très souvent en courte focale. Toutes sont affublées de métiers surréalistes. C'est Jean-Claude Dreyfus le boucher spécialiste du découpage d'humains en rondelles, Ticky Holgado en M. Tapioca recycleur d'objets loufoques, Rufus en frère Kube fabricant de boîtes à meuh!, Howard Vernon en M.Potin éleveur d'escargots, le tordant couple bourgeois Interligator (Sylvie Laguna et Jean-François Perrier) dont l'épouse invente des dispositifs plus complexes les uns que les autres pour tenter de se suicider et enfin l'homme à tout faire en sursis, Louison (Dominique PINON) un ancien clown qui enchante tout ce qu'il touche à commencer par Julie (Marie-Laure Dougnac), la douce fille de l'ogre Dreyfus. A cet inventaire déjà fourni viennent s'ajouter les troglodistes, espèce de résistants végétariens vivants dans les égouts et leur pire ennemi, le facteur (Chick Ortega), un fasciste à grosses bottes et révolver mis KO par deux enfants farceurs (quelle belle idée!)
Le film est un quasi huis-clos, se concentrant sur sa micro-société répartie dans les différents étages de l'immeuble. Un immeuble qui est bien plus qu'un décor. Comme chez Terry Gillam, l'obsession pour les conduits et les tuyaux en fait un organisme vivant. De même que les nombreux objets qui grincent, couinent, crient en parfaite synchronisation. L'immeuble fonctionne comme une souricière mais il est si délabré qu'il suffit d'une salle de bains remplie d'eau (qui fait penser au Testament du Dr Mabuse de Fritz Lang) pour provoquer le déluge salvateur.
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