Les Deux Orphelines (Orphans of the Storm)
D.W. Griffith (1921)
Les deux orphelines est un grand cru du maître de la fresque historique lyrique et grandiloquente. Comme dans Naissance d'une nation et Intolérance il mêle avec bonheur la petite et la grande Histoire. La petite histoire est celle des sœurs Girard, Louise et Henriette interprétées par deux véritables sœurs, Lilian et Dorothy Gish. Louise, enfant trouvée est élevée avec Henriette jusqu'à la mort de leurs parents. Elle-même est frappée de cécité. Ce n'est que le début de leur martyre. Comme le titre en VO (Orphans of The Storm) l'annonce, elles sont prises dans la tempête d'une période tourmentée qui sied bien à Griffith: la fin de l'Ancien Régime et la Révolution française. Celui-ci en profite pour faire passer un message idéologique à la nation américaine. Il renvoie dos à dos la monarchie présentée comme une tyrannie et la Terreur, "anarchiste et bolchévique." La révolution américaine a libéré un peuple d'une monarchie despotique, celle de l'Angleterre. Mais Griffith met en garde les américains contre une autre révolution, celle de 1917 en Russie qui a débouché sur une guerre civile qui ne s'achève qu'en 1921 soit au moment de la sortie du film. Cette vision orientée explique l'absence des autres périodes de la Révolution, de l'entourage du roi (on ne voit pas Marie-Antoinette par exemple), la mise en avant de Lafayette et le manichéisme simplificateur du couple Danton-Robespierre. Le premier est présenté comme un champion de la justice et de la liberté, un indulgent de la première heure alors que le second est un tyran fourbe assoiffé de sang. Danton est américain et Robespierre...russe.
La tendance de Griffith à confondre Histoire et propagande se marie à l'efficacité des procédés employés pour susciter l'adhésion. Le récit est haletant de bout en bout, utilisant toutes les ficelles du mélodrame avec une maîtrise impressionnante du récit et de son tempo. Griffith nous présente une multitude de personnages en soulignant leur rôle à venir dans l'histoire. Par la suite il utilise les flashbacks comme piqûre de rappel si bien que le spectateur n'est jamais perdu. Chacun d'eux est une pièce du puzzle qui s'avère déterminante dans l'histoire. De même l'utilisation du montage alterné dramatise l'action au maximum. La marche d'Henriette à l'échafaud se combine avec une chevauchée endiablée de Danton et ses révolutionnaires pour la sauver. On pense à la fin de Naissance d'une nation qui utilisait le même procédé.
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