Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'Appât (The Naked Spur)

Publié le par Rosalie210

Anthony Mann (1953)

L'Appât (The Naked Spur)

Troisième western du cycle Mann-Stewart, l'Appât est le plus dépouillé, le plus amer et le plus sombre, proche d'un film noir. C'est une mise à nu des rapports humains dans ce qu'ils ont de plus brutal, de plus âpre. La dureté des paysages des Montagnes Rocheuses renvoie à celle des sentiments. La mise en scène est épurée à l'extrême. Jamais elle ne dévie de son sujet principal, elle fonce droit au but, sans digression. Entre la nature sauvage et tourmentée et les cinq protagonistes nulle ville, nul ranch, nul rôle ou intrigue secondaire. C'est un huis-clos à ciel ouvert qui exacerbe passions et conflits avec le torrent pour catalyseur.

Le film se concentre sur trois chasseurs de prime mus par la soif de l'or et l'instinct de survie. Tous sont la proie de leurs bas instincts, ont une âme tourmentée ou un passé trouble. Trois parfaits antihéros. Mais alors que Jesse Tate le chercheur d'or aussi bête que cupide et Roy Anderson le violeur sanguinaire sont irrécupérables, le film se concentre sur Howard Kemp l'ex fermier et soldat naïf trahi par sa petite amie et que sa blessure non cicatrisée a rendu fou, sans foi ni loi, violent, taciturne, inquiétant voire odieux. Mais comme dans les Affameurs, il s'agit d'un héros en gestation. Un homme qui doit affronter un parcours semé d'embûches pour reconquérir son humanité et se racheter. Stewart est prodigieux dans ce type de rôle ambigu qui peut passer en un éclair de la tendresse la plus profonde à la haine la plus bestiale.

Kemp étant le seul des trois hommes à pouvoir évoluer il devient l'enjeu d'un combat entre le diable et l'ange. Le diable c'est Ben dont la tête est mise à prix et qui a parfaitement compris comment il pouvait semer la zizanie entre les 3 hommes venus l'arrêter en exploitant leurs failles. L'ange c'est Lina sa protégée loyale et fidèle mais attirée par Kemp dont elle devient la force rédemptrice. Dans les Affameurs déjà la femme aimée arrêtait par son cri le geste meurtrier du héros. Dans l'Appât la blessure de Kemp se réouvre, il redevient vulnérable et au prix d'un vrai chemin de croix il renonce à ses pulsions bestiales (il enterre Ben au lieu de le traiter en marchandise) par amour pour Lina. La guérison de son âme est symbolisé par ses larmes libératrices. Le ranch qu'il part construire avec Lina en Californie symbolise la refondation de la nation sur des bases saines et non sur la violence.

Commenter cet article