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Blow Out

Publié le par Rosalie210

Brian De Palma (1981)

Blow Out

Blow Out s’inscrit comme le troisième opus d’un tryptique dont le premier volet est Blow up d’Antonioni (1967) et le deuxième, Conversation secrète de Francis Ford Coppola (1974). Dans le premier film un photographe prend des clichés d’un meurtre, dans le second, un agent espion entend les cris d’un meurtre. Dans Blow Out, De Palma réunit l’image et le son : dans une séquence du film, John Travolta synchronise les images et le son de la séquence qu’il a enregistrée pour obtenir la preuve qu’il s’agit d’un meurtre et non d’un simple accident de voiture.

Blow Out est un tournant philosophique dans la carrière de Brian De Palma après l’énorme succès de Pulsions. Son rejet public et critique initial est lié à la tonalité sombre du film et à sa fin tragique. Blow Out a plusieurs sens : explosion, cri, révolte. Et le film est effectivement par bien des aspects un cri de révolte. Le son a une dimension de critique politique évidente. Il dénonce les secrets et mensonges de la démocratie américaine alors que l’on célèbre parallèlement le centenaire de la cloche de la liberté. En effet le film s’appuie sur des faits réels et notamment sur l'accident de Chappaquiddick où Ted Kennedy (le frère de John) ivre avait précipité sa voiture qui passait sur un pont dans un bras d’eau. Lui s’en était sorti sans égratignure alors que sa jeune assistante de 28 ans était morte. Pendant plusieurs jours, il avait tenté de dissimuler la mort de la jeune femme, couvert par les plus hautes autorités US. Finalement l’affaire n’avait pu être étouffée mais le scandale avait seulement empêché Ted Kennedy de se présenter aux élections présidentielles. L'engagement politique de Brian De Palma lui coûta cher : après Redacted (Censuré) qui révélait lui aussi un scandale (le viol et le meurtre d’une jeune irakienne et de toute sa famille par les G.I américains), De Palma vit sa carrière aux USA définitivement brisée et fut obligé de s’exiler en France.

Cet engagement éthique, humaniste démonte l’image qui est attachée à Brian de Palma : celui d’un simple réalisateur d’exercices de style maniéristes inspirés de son maître Hitchcock. La filiation est évidente entre les deux cinéastes mais elle ne se limite pas au style. L’obsession du remake chez l'un et l'autre est lié à la pulsion qui est répétition, et la principale pulsion des deux réalisateurs est le regard via la caméra qui est un regard-voyeur. Toute la séquence qui ouvre Blow Out place le spectateur en position de voyeur d’un mauvais slasher érotique. Le spectateur voit à travers le regard du tueur une bimbo se déshabiller (et peut ainsi se rincer l’œil) puis elle est tuée (punition du voyeurisme) dans une douche. Ce sont bien entendu les mécanismes de Psychose mais De Palma y rajoute une dimension parodique (perche qui dépasse, cri ridicule qui sonne faux) et une couche de vulgarité assumée « tout cinéma est porno. »

Autres thèmes communs aux deux cinéastes, celui du double et de l’impuissance. Blow Out s’ouvre sur un cri mais comme la scène primitive traumatique est parodique, ce cri sort mal. Il est le symbole d’une impuissance, d’un empêchement qui est celui du héros à sauver la femme qu’il aime. Le parallèle avec Vertigo est frappant. Non seulement Scottie échoue à sauver la femme qu’il aime à cause de sa phobie des hauteurs mais il en est guéri seulement lorsqu’il la tue. Dans Blow Out, la scène primitive est rejouée à l’identique dans la salle de projection à la fin du film mais remontée et remixée avec un vrai cri de terreur et de mort, celui de Sally. La scène fonctionne enfin à cause de cette greffe mais le prix à payer semble monstrueux car pour que le film gagne en puissance il faut que la jeune femme ait été tuée. L’homme est en effet impuissant à crier chez De Palma (dans Blow Out le cri de Travolta n’apparaît que sur l’affiche et reste donc muet). Par conséquent, il doit passer par le truchement de la femme. Le cri de la femme et sa dualité est une question sous jacente du cinéma de De Palma et du cinéma d’Hitchcock (pour qui acte d’amour et acte de mort se confondent, s’échangent). A la fin de Blow Out, Travolta a trouvé sa voix, sa place dans le monde, dans la vie. Certes il a trouvé l’amour mais l’a perdu, il a trouvé la vérité mais personne de l’écoute cependant ce qu’il a trouvé est vrai, humain. Le film raconte un parcours qui passe insensiblement du cinéma bis (cinéma phallocrate, pornographique) à un cinéma féminin, flottant, lunaire, enfantin un cinéma du vent, de l'invisible et de l'impalpable. Une métamorphose du réel par le féminin qui se heurte à la domination politique phallocrate mais qui sauve au moins le film de fiction au prix du sacrifice de cette femme.  

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