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A nos amours

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1983)

A nos amours

En 1975, Pialat demanda à sa femme, Arlette Langmann, d'écrire un film sur ses souvenirs de jeunesse. Fille de fourreurs, elle avait un frère assez spécial, Claude Langmann devenu par la suite cinéaste et producteur sous le nom de Claude Berri. En 1978, Pialat réalisa Passe ton bac d'abord, tiré de ce canevas. Puis il écrivit Suzanne mais il n'obtint pas les crédits car il ressemblait trop à son précédent film. Il décida alors de privilégier les rapports familiaux et de mettre la fille au milieu, les garçons restant périphériques. Dominique Besnehard alors directeur de casting essaya de choisir un acteur pour le frère mais Pialat décréta que cela faisait trop "cinoche" (mauvais cinéma) et choisit Besnehard lui-même. Il aimait les "natures" qui existent et rayonnent spontanément ce qu'incarne parfaitement le choix de Sandrine Bonnaire (venue initialement accompagner sa soeur au casting) avec qui le lien de confiance fut immédiat. Pialat choisit de jouer lui-même le père. La seule actrice professionnelle du casting fut Evelyne Ker qui vécu d'autant plus mal la situation qu'elle était malade au moment du tournage.
Bonnaire était si moderne que Pialat décida de situer son film en 1983 (date du tournage) et non en 1963 comme cela était prévu initialement (période de jeunesse d'Arlette Langmann). Il était trop tard pour changer les décors mais au final l'aspect démodé de l'appartement des parents de Suzanne servit le film en accentuant le décalage entre elle et eux. Les scènes d'hystérie familiale n'en furent que plus fortes.

A l'image de Pialat, A nos amours est un film rugueux, peu aimable, organique et à l'humeur changeante. Peintre avant d'avoir été cinéaste, Pialat privilégie les éclats de vie au détriment des articulations du récit. De longues ellipses séparent les séquences qui racontent le difficile passage de Suzanne à l'âge adulte.
Bien qu'elle soit de toutes les séquences, Suzanne est un personnage énigmatique. On ne sait pas qui elle est, ce qu'elle pense. Ses comportements sont déroutants, paradoxaux et n'offrent aucune prise au spectateur. Par exemple si le début du film évoque la sexualité, l'été, la jeunesse, la chaleur, le générique casse cette image. On voit Suzanne de dos à la proue d'un bateau pendant que l'on entend The Cold Song chanté par Klaus Nomi (une adaptation de Purcell) qui prie pour qu'on le laisse mourir de froid car il ne retrouve pas sa fiancée. Suzanne devient ainsi cet être ambivalent à la fois perpétuellement en chaleur et dotée d'un coeur sec, froid, stérile. Parallèlement l'air rappelle qu'une sexualité débridée peut mener à la mort (Klaus Nomi est mort du sida en 1982, juste avant le film).
Pialat a offert un rôle si puissant à Sandrine Bonnaire que son personnage a survécu au film et s'est retrouvé dans d'autres films et d'autres cinéastes comme Sans toit ni loi d'Agnès Varda.

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