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Articles avec #western tag

Le Fils du désert (Three Godfathers)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1948)

Le Fils du désert (Three Godfathers)

Quoiqu'on en dise, "Le fils du désert" est une pépite. Son apparente simplicité, sa supposée naïveté, les critiques sur sa lenteur, ses invraisemblances ou son symbolisme appuyé, bref tout ce qui dérange dans ce film atypique cache le fait qu'il s'agit avant tout de l'œuvre d'un immense cinéaste.

Il ne s'agit pas d'un western classique. En réalité Ford utilise les codes du genre, du moins au début pour ensuite emmener le spectateur dans une autre direction que l'on pourrait qualifier de mystico-biblique. A l'image des 3 hors-la-loi contraints par leur acte délictueux de quitter le chemin balisé pour s'enfoncer toujours plus loin dans le désert et l'inconnu.

En réalité la dimension religieuse et humaniste du film est présente dès le début lors d'une scène anodine en apparence mais à forte teneur symbolique pour la suite de l'histoire. On y voit les 3 brigands sympathiser puis prendre un café avec un couple de part et d'autre d'une barrière. Le repas partagé est un rite religieux commun aux trois monothéismes permettant de rapprocher les hommes qui se reconnaissent ainsi frères en humanité. La barrière est à l'inverse la Loi qui sépare ceux qui la bafouent de ceux qui la font respecter. L'homme qui a offert l'hospitalité aux 3 brigands n'est autre que le shérif de la ville de "Welcome" (Ward Bond): il leur tend la main. Les brigands braquent la banque: ils rejettent la main offerte. L'un d'entre eux, William dit le "Kid d'Abilène" (Harry Carey Jr, fils de l'acteur qui avait joué dans une adaptation antérieure muette, perdue) sera même blessé à cet endroit.

Ayant perdu le (droit) chemin, ils sont condamnés à errer dans le désert jusqu'à ce qu'ils se rachètent. Un chemin de croix certes mais aussi une quête spirituelle. Le désert est un haut lieu de méditation depuis les premiers moines chrétiens qui s'y réfugièrent au IVeme siècle après JC pour protester contre les dérives de l'Eglise et s'unir à Dieu. C'est avec une partie inconnue ou refoulée d'eux-mêmes que ces trois hommes font connaissance. Celle du shérif si pacifiste qu'il s'appelle "B. Sweet". Celle qui va leur faire rendre les armes, donner des biberons et chanter des berceuses. Celle qui mènera leur âme (à défaut de leur vie pour deux d'entre eux) à bon port. Cette rencontre avec le divin prend la forme d'une mission: sauver un nouveau-né que la mère abandonnée et mourante a remis entre leurs mains en faisant d'eux leurs parrains ("godfathers" en vo). À partir de ce moment, les signes de grâce se multiplient: l'étoile du berger se met à briller dans le ciel, les élevant au rang de rois; ils trouvent une bible qui devient leur guide en s'ouvrant miraculeusement à la bonne page; la gourde d'eau semble se remplir toute seule alors qu'ils sont torturés par la soif; l'enfant entre leurs mains ne semble souffrir d'aucune privation ni excès de chaleur; les images épurées, dépouillées atteignent un degré de beauté confinant au sublime.

La boucle est alors bouclée lorsque Bob (John WAYNE) atteint avec l'esprit de ses camarades la nouvelle Jérusalem. Le lien entre la communauté et lui est désormais scellé par l'enfant qui porte son nom et les prénoms des trois ex-brigands. La communauté lui pardonne et il peut entrer dans la famille du shérif dont il a sauvé l'héritier (l'enfant est le fils de la nièce de son épouse). Une alliance par "le pain et le sel" qui est réitérée, la barrière en moins.

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Le vent de la plaine (The Unforgiven)

Publié le par Rosalie210

John Huston (1960)

Le vent de la plaine (The Unforgiven)

"Le vent de la plaine" où une petite indienne est enlevée après le massacre de sa tribu pour être élevée par des blancs est en quelque sorte le reflet inversé de "La prisonnière du désert" où une petite blanche était enlevée après le massacre de sa famille pour être élevée par des indiens. La proximité de ces deux films s'explique par le fait qu'il s'agit d'adaptations de romans du même auteur, Alan le May.

Mais si la haine raciale et l'intolérance jouent un rôle important dans le film, ce n'est pas son sujet principal. Avec "Le vent de la plaine", Huston a réalisé dans des conditions difficiles un grand western psychanalytique. Celui-ci est en effet centré sur la famille et surtout sur le secret de famille. Tant que celui-ci n'est pas révélé, le film l'exprime par des symboles: la vache sur le toit (quelque chose "pèse" comme un couvercle sur cette maison), le cheval fougueux apprivoisé par Rachel (Audrey Hepburn) puis par Portugal (John Saxon) qui a en commun avec elle des origines obscures, les apparitions surréalistes d'Abe Kelsey (Joseph Wiseman) qui, tel un "retour du refoulé" vient lâcher sa bombe et semer la zizanie pour se venger, les moments où Ben (Burt Lancaster) ne peut maîtriser sa jalousie et sa peine lorsque sa petite sœur est courtisée alors que son frère Cash (Audie Murphy, éruptif et inquiétant à la ville comme à la scène) exprime une haine vis à vis des indiens aux confins de la démence. Tous deux nagent en effet en plein brouillard puisque seule la mère (Lilian Gish) connaît la vérité.

Après la révélation du secret, lorsque la famille se retranche dans sa maison assiégée par les indiens le film perd en puissance et souffre de longueurs. C'est dans cette partie que les mutilations que la production a infligé au film se font ressentir, notamment avec la réduction au montage du rôle de Portugal qui était un des personnages les plus intéressants. Il n'en reste pas moins que la mise en scène est superbe de bout en bout avec un plan final de toute beauté sur la famille réconciliée contemplant un horizon retrouvé dans le vol des oies sauvages.

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L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux (The Horse Whisperer)

Publié le par Rosalie210

Robert Redford (1998)

L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux (The Horse Whisperer)

C'est un film qui m'avait transportée à sa sortie au cinéma en 1998. Force est de constater que près de 20 ans après, je n'ai pas ressenti la même ferveur en le revoyant. L'histoire m'est apparue trop convenue, les rebondissements trop prévisibles et la fin, bien conventionnelle (chacun retourne chez soi et les vaches seront bien gardées). Le livre de Nicholas Evans dont est tiré le film était nettement moins politiquement correct. Reste la splendeur des paysages du Montana, la qualité de l'interprétation de Kristin Scott Thomas (Annie) et de Scarlett Johansson (Grace) alors toute jeune mais dont on sent le potentiel et une philosophie qui prend le contrepied du modèle dominant en faisant l'éloge de la lenteur, de la patience et du lâcher-prise. Voir l'homme se faire tout petit dans la nature, entrer dans un dialogue thérapeutique avec un animal traumatisé (et par extension sa propriétaire) en lui laissant son libre-arbitre au lieu de chercher à le dominer et à le dresser a quelque chose de revigorant. De même que la capacité d'Annie à sentir d'instinct la connexion entre sa fille et son cheval, à refuser la facilité (l'euthanasie de l'animal et l'abandon moral de Grace) et à tout lâcher pour tenter de les sauver tous les deux.

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Le secret de Brokeback Mountain (Brokeback Mountain)

Publié le par Rosalie210

Ang Lee (2005)

Le secret de Brokeback Mountain (Brokeback Mountain)

Ang Lee est un cinéaste d'une grande délicatesse qui filme avec finesse les non-dits, les hésitations, les élans contrariés, les regards éloquents bref les frémissements de l'âme qui s'impriment à travers le corps. Brokeback mountain a déghettoïsé l'amour homosexuel en le rendant universel. Cette approche y est pour beaucoup. L'histoire tirée d'une nouvelle d'une quarantaine de pages également. Elle prend en effet le contrepied des clichés. Les deux protagonistes principaux échappent aux catégorisations. Ce sont les circonstances qui vont les rapprocher. Isolés durant des semaines au coeur de la montagne pour la transhumance des moutons de leur patron, il est facile de comprendre en quoi la solitude et la promiscuité attisent leur désir sexuel et leurs besoins affectifs, l'éloignement des carcans sociaux favorisant le passage à l'acte. On trouve une analyse très semblable chez Frison-Roche (La grande crevasse, Retour à la montagne) sauf que le grand amour vécu dans la haute montagne et contrarié par la société y unit un guide d'origine paysanne et une bourgeoise. La grandeur de la nature fait écho à celle des sentiments et s'oppose à l'aliénation du quotidien. Enfin l'interprétation contribue également à renverser les barrières. On ne le dira jamais assez mais la mort d'Heath Ledger nous a privé d'un grand acteur. Il est absolument bouleversant dans le rôle d'Ennis, cet homme muré en lui-même dont les mots peinent à franchir ses mâchoires serrées. Cet homme profondément seul, triste, accablé, semant la désolation autour de lui à force de faux-fuyants, incapable d'affronter l'homophobie et le lynchage. Jusqu'au moment où il réalise le courage de son amant Jack Twist (joué par l'excellent Jake Gyllenhaal) qui a préféré mourir plutôt que de continuer à se laisser détruire à petit feu. Soulignons également l'excellence des seconds rôles. Les familles de Jack et d'Ennis ne sont pas sacrifiées dans le scénario et Lee pose un regard tout aussi sensible sur les épouses, l'une souffrant en silence (Alma jouée par Michelle Williams) , l'autre murée dans l'indifférence (Lureen jouée par Anne Hathaway), l'incapacité à communiquer étant leur dénominateur commun. Lee observe des familles qui se défond, des hommes précarisés et mis à l'écart par des patriarches castrateurs et odieux, des murs de silence et d'incompréhension et quelques moments de bonheur volés chèrement payés. Un portrait bien sombre d'une Amérique qui écrase ses enfants lorsqu'ils refusent d'entrer dans le moule étroit de leurs parents. Et que les paysages, somptueux mais glacés ne peuvent ni réchauffer, ni consoler.

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Rio Bravo

Publié le par Rosalie210

Howard Hawks (1959)

Rio Bravo

Howard Hawks est un réalisateur qui s'est toujours mis au service de ses personnages. Les cinéastes de la Nouvelle Vague avaient d'ailleurs dit qu'il filmait à hauteur d'homme. C'est particulièrement frappant dans ce concentré d'humanité qu'est Rio Bravo, un "western de chambre" confiné dans le temps et dans l'espace. Cette approche théâtrale permet de mettre au centre de son film un petit groupe humain chaleureux et attachant. Comme dans Seuls les anges ont des ailes, il célèbre la camaraderie virile entre des professionnels embarqués sur le même bateau. L'individualisme affiché du shérif (sur le refrain du "je n'ai besoin de personne") est contredit tout au long du film par les liens tissés avec ses adjoints et l'aide décisive qu'ils lui apportent. Des liens plus filiaux que strictement professionnels. Dude (Dean Martin) qui souffre d'alcoolisme surnomme le shérif John T. Chance (John WAYNE) à un moment du film "papa" alors que le tout jeune, fier et fringant Colorado (Ricky Nelson, à peine 18 ans lors du tournage) qui a refusé l'association au shérif au nom de son indépendance finit par changer d'avis après l'assassinat de son ancien employeur. Enfin le gardien de la prison Stumpy (Walter Brennan) âgé et boîteux reprend auprès de Wayne le rôle pittoresque qu'il tenait auprès de Stewart dans Je suis un aventurier. Pour ces hommes insatisfaits ou diminués, le bien-nommé Chance représente l'espoir d'une amélioration, d'une rédemption ou de la restauration d'une image plus satisfaisante d'eux-même.

Bien que la mise en scène de Hawks reste discrète pour faire la part belle à ses personnages (et aux acteurs qui les interprètent, tous formidables), elle n'est pas dépourvue de morceaux de bravoure. A commencer par la première scène devenue culte. Hommage au muet, toutes les informations y passent par l'image dont ce célèbre plan en contre-plongée où Chance sauve moralement Dude de la déchéance. Autres scènes cultes, celle où Dude abat un des hommes de main de Nathan Burdette grâce à du sang qui goutte dans un verre de bière (une image symbolique de ce qui l'attend s'il continue à boire) et celle du duel final à la dynamite. Enfin la célèbre digression où les quatre hommes célèbrent en chanson leur cohésion est un pur moment de bonheur tout comme les nombreuses scènes où ils se chambrent.

A cette histoire d'hommes façon "les copains d'abord" il faut rajouter le "cinquième élément", à savoir l'une des femmes hawksienne les plus marquantes de sa filmographie, Feathers (Angie Dickinson) qui par bien des aspects rappelle Lauren Bacall dans le Port de l'Angoisse. Les scènes de séduction avec Wayne directement inspirées de la screwball comédie dont Hawks est l'un des maîtres sont un pur délice. Voir ce grand dadais se faire mener par le bout du nez (et couper la chique!) par cette bombe sexuelle particulièrement mutine est jubilatoire ce qui n'exclut pas une authentique tendresse.

En conclusion Rio Bravo est l'un des plus grands western de l'histoire de par son étude de caractères et cet équilibre miraculeux de rythmes et de genres (comédie, drame, romance, scènes d'action, scènes musicales...) Il fait également chaud au coeur. 

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La prisonnière du désert (The Searchers)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1956)

La prisonnière du désert (The Searchers)

Ce film beau et profond a été souvent considéré comme le deuxième d'une trilogie fordienne consacrée à l'histoire du western. La Chevauchée fantastique signait son acte de naissance, L'Homme qui tua Liberty Valance son acte de décès et entre les deux, La Prisonnière du désert en montrait la face obscure. Mais j'aimerais apporter une nuance. A l'image de son héros, Ethan Edwards, le film est à la fois sombre ET lumineux. Ce clair-obscur est parfaitement retranscrit dans les célèbres cadrages ciselés qui ouvrent et referment le film. Dans une même image composée à la façon d'un cadre dans le cadre Ford synthétise l'alternance intérieur/extérieur qui caractérise ses films. L'intérieur sombre représente le foyer familial des pionniers, un univers matriciel autant qu'un possible tombeau. La caméra située au fond du foyer filme la porte ouverte dans l'encadrement de laquelle apparaît un bout de l'immensité rougeoyante et monumentale du désert, symbole de l'ouest sauvage que les pionniers soumis à rude épreuve tentent de conquérir et de domestiquer. Les deux mondes peuvent-ils s'interpénétrer? La greffe est-elle possible ou bien l'un des mondes rejettera-t-il l'autre? Quelle nation naîtra de ce "choc des mondes"?

A ce questionnement collectif se superpose une histoire intimiste douloureuse et complexe. L'élément perturbateur de la famille Edwards qui surgit du désert dans le premier plan du film n'est autre qu'Ethan, le frère maudit. Son retour inattendu après huit années d'absence révèle les failles cachées de la famille. Le frère d'Ethan, Aaron ne se réjouit guère de le revoir car les deux hommes sont amoureux de la même femme, Martha qui a épousé Aaron mais semble toujours très éprise d'Ethan qui est resté célibataire. Là-dessus vient se greffer un fils adoptif métis, Martin Pawley qu'Ethan supporte d'autant plus mal que lui-même n'a pas su trouver sa place dans la famille. Mais dès cet instant, l'ambivalence d'Ethan nous est révélée car on apprend que c'est lui qui a sauvé la vie de Martin après le massacre de toute sa famille et l'a en quelque sorte adopté (ce que la suite du film confirmera).

Cette introduction nous donne toutes les clés dont nous avons besoin pour comprendre la suite c'est à dire l'obsession avec laquelle Ethan se lance à la poursuite des Comanches qui ont enlevé sa nièce Debbie et l'incertitude que nous avons jusqu'au bout du sort qu'il lui réserve. En surface, il dit vouloir sa peau car ayant été souillée par les indiens, elle ne fait plus partie de la famille. Ce préjugé raciste est d'ailleurs partagé par les voisins des Edwards qui après leur disparition font figure de famille de substitution. Laurie leur fille (un double de Martha) qui est fiancée à Martin Pawley ne dit-elle pas que Debbie n'est plus qu'un "rebut, vendue de multiples fois" et qu'il vaudrait mieux qu'Ethan la tue? Mais en profondeur, ce qui torture Ethan Edwards est son secret familial, une ambivalence amour/haine liée au fait que Debbie est la fille de la femme qu'il a tant aimé et en même temps la preuve vivante de l'échec de sa vie personnelle puisqu'elle n'est pas sa fille. Deux choix s'ouvrent devant lui: ou la vengeance (supprimer la filiation de son frère) ou la réparation (protéger Debbie ce qu'il n'a pas pu faire pour sa mère). C'est pourquoi le geste instinctif par lequel il soulève l'enfant au-dessus de lui joue un rôle si important dans le film. Il symbolise la reconnaissance d'un lien de filiation plus fort que tout.

En créant Ethan Edwards, Ford s'est montré particulièrement audacieux. Dans un pays très porté sur le manichéisme, il a créé un héros complexe, imparfait, ambigu. Ethan est un sauveur mais lorsque la haine le submerge on le voit commettre des actes cruels et vils et certaines de ses paroles font frémir. S'il réussit à recomposer sa famille à l'image d'une nation désormais métissée, il en reste exclu et devra continuer à errer dans le désert à la recherche de lui-même.

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L'homme qui tua Liberty Valance (The Man Shot Liberty Valance)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1962)

L'homme qui tua Liberty Valance (The Man Shot Liberty Valance)

L'homme qui tua Liberty Valance fait partie des westerns crépusculaires de John Ford réalisés à la fin de sa carrière. Des héros vieillis, désabusés, parfois cyniques parfois nostalgiques se retrouvent aux prises avec les contradictions de la nation américaine: la violence et la loi, l'individu et la communauté, la tradition et le progrès. Le film raconte l'intégration d'un Far West sans foi ni loi dans le monde civilisé c'est à dire sa disparition. Et pourtant les mythes de l'ouest continuent à travailler la société américaine (la frontière à franchir, l'auto-défense..)

Dans le film tiré d'une nouvelle de Dorothy M. Johnson, le territoire de la petite ville de Shinbone devient un Etat de l'Union et la loi de la jungle est remplacée par la constitution et le code civil. Mais l'ascension sociale et politique de l'avocat Randsom Stoddard (James Steward) qui commence plongeur à Shinbone et finit sénateur a un prix. Celui du sacrifice de son principal allié, le cow-boy Tom Doniphon (John WAYNE) sans lequel il aurait péri sous le fouet ou sous les balles du criminel sans foi ni loi Liberty Valance (Lee Marvin) qui faisait régner la terreur dans la région. Doniphon partage le même humanisme que Stoddard mais c'est un homme solitaire, fier et profondément individualiste. En refusant toute compromission avec la civilisation de "la loi et l'ordre" de Stoddard il signe sa perte et celle du genre western avec lui tant Wayne en est la figure emblématique. Cette mort est symbolisée par l'incendie du ranch qu'il avait fait construire pour lui et Hallie et par son cercueil surmonté d'un cactus en fleur déposé par son ex-fiancée. En acceptant de recevoir l'instruction dispensée par Stoddard, elle finit par l'épouser ainsi que son monde. Un autre personnage important de Shinbone prend le parti de Stoddard, le journaliste Dutton Peabody (Edmond O'Brien) mais lui à tout à gagner au règne d'une société démocratique qui protège la liberté de la presse.

En voyant ce film, on s'aperçoit de l'absurdité qu'il y a à opposer systématiquement le classicisme fordien au baroquisme maniériste de Sergio Leone. Le style diffère mais le darwinisme social agit de façon identique dans leurs westerns crépusculaires respectifs. On pense en particulier à Il était une fois dans l'Ouest où joue également Woody Strode. Le chemin de fer apporte la civilisation, ceux qui s'y adaptent survivent les autres périssent.

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La chevauchée fantastique (Stagecoach)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1939)

La chevauchée fantastique (Stagecoach)

La chevauchée fantastique est un chef d'oeuvre du western et du cinéma tout court.

Son aspect mythique est lié au fait qu'il établit les bases du western classique hollywoodien (et même au-delà). C'est en effet le premier western parlant de John Ford qui s'imposera comme le réalisateur majeur du genre, c'est le premier film tourné à Monument Valley qui deviendra le symbole du western tout entier, c'est le premier western de Ford avec John WAYNE qui sera révélé au grand public et deviendra la figure emblématique du genre. Un genre que Ford a contribué à réhabiliter tout en faisant sortir Wayne de son statut d'acteur de série B. Le célèbre mouvement de caméra par lequel on le découvre dans le film est à lui seul une des plus belles entrées de star de l'histoire du cinéma.

Mais si le film reste incontournable aujourd'hui c'est parce qu'il possède des qualités intrinsèques. Ford se révèle être un conteur hors-pair, un psychologue-né et fait preuve d'une précision sans faille dans les choix de bande-son, de cadrages, de montage, ce qui assure la réussite de son histoire et de sa mise en scène. Celle-ci alterne avec bonheur des scènes d'action étourdissantes dans l'immensité cosmique comme celle de l'attaque des indiens, et des scènes intimistes dans un huis-clos théâtral qui lui permettent d'analyser en profondeur ses personnages et les évolutions de leurs relations. La réunion de caractères différents dans un espace restreint et dans un climat tendu n'est pas en soi un thème nouveau. Ford s'est d'ailleurs inspiré d'une nouvelle de Ernest Haycox sortie en 1937, Stage to Lordsburg qui transposait dans un cadre américain la nouvelle de Maupassant Boule de Suif. Mais Ford a transcendé son sujet en posant un regard profondément humaniste sur ses personnages. En prenant le parti des exclus victimes des préjugés du puritanisme américain, il fait une critique sociale salutaire. Les épreuves que vivent les personnages révèlent leurs vraies personnalités et ce sont ceux qui sont les plus ostracisés (Boone, Dallas et Ringo Kid) qui s'avèrent être ceux qui ont les plus grandes qualités morales. Le voyage est d'ailleurs symboliquement synonyme de transformation. Les barrières de classe et les jugements moraux très palpables au début de leur périple finissent par tomber avec pour catalyseur la naissance d'un bébé dans des conditions particulièrement précaires. Seul Gatewood, le banquier escroc reste en dehors de cette communion. Symbolisant le capitalisme-voyou, il est mis hors d'état de nuire et remplace en prison le "hors la loi" Ringo Kid qui en faisant alliance avec le Shérif Curly Wilcox (un père de substitution) réintègre la société. Les bandits ne sont pas ceux que l'on croit!

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La colline des potences (The Hanging Tree)

Publié le par Rosalie210

Delmer Daves (1959)

La colline des potences (The Hanging Tree)

Gary Cooper est impérial dans ce western sorti seulement deux ans avant sa mort. Il interprète le rôle d'un médecin, le Dr Frail (fragile) qu'un drame personnel a rendu misanthrope et taciturne. Il s'installe à Skull Creek, une petite ville-champignon d'orpailleurs, non au milieu de ses congénères mais seul au sommet d'une colline. Il signifie ainsi autant son asociabilité que sa différence de classe avec les chercheurs d'or. L'ambivalence du personnage mi-ange mi-démon fascine. D'un côté il manifeste un dévouement et un désintéressement dans son métier qui ressemble à un sacerdoce (ou un besoin de se faire pardonner quelque chose). De l'autre, il se méfie tant de la nature humaine qu'il éprouve le besoin de contrôler tout son entourage. Le jeune voleur de pépites qu'il sauve est contraint de se mettre à son service. De même la jeune femme qu'il soigne après l'attaque de sa diligence est traitée par lui en recluse puis infantilisée, puis repoussée lorsqu'elle s'approche trop près de lui alors qu'il l'aide (et l'aime) en secret.
Ce personnage magnifique est confronté à ses démons c'est à dire sa propre violence face à un milieu dans lequel il ne parvient pas à s'intégrer et où les pulsions primitives des hommes se déchaînent. Le personnage de Frenchy (Karl Malden), l'antagonisme du docteur Frail, plus sympathique au premier abord, libidineux et cupide en réalité incarne les pires aspects de la nature humaine. Comme dans les Anthony Mann, Frail doit surmonter ses pulsions de mort pour revenir à la vie, réapprendre à faire confiance et à aimer.
Signalons enfin la beauté des paysages, de la composition du cadre (voir scène de fin) et une chanson titre "the hanging tree" qui reste dans les têtes.

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L'homme de la plaine (The Man from Laramie)

Publié le par Rosalie210

Anthony Mann (1955)

L'homme de la plaine (The Man from Laramie)

Le dernier des cinq westerns réalisé par Anthony Mann avec James Stewart est le premier tourné en cinémascope. Il est aussi celui qui se rapproche le plus avec Winchester 73 de la tragédie shakespearienne. Ce qui peut expliquer la préférence de Mann issu du théâtre pour le premier et le dernier opus de son cycle. Il avoué à ce propos qu'il avait voulu faire une adaptation du roi Lear dans l'univers du western. Lear c'est le patriarche Alec Waggoman tout puissant propriétaire de la ville de Coronado. Mais cette puissance cache un drame intime, celle de sa descendance. D'un côté Dave son fils biologique, un véritable psychopathe au comportement incontrôlable. De l'autre Vic, son employé aux dents longues, sorte de fils adoptif, mal aimé en dépit de ses efforts pour se rendre indispensable. Enfin Will, son fils spirituel qui lui ressemble mais dont il est persuadé qu'il est venu à Coronado pour tuer Dave.

Malgré les grands espaces, le règlement de comptes familial a quelque chose d'un huis-clos étouffant. Vic a pour mission de surveiller Dave qui a pour obsession de détruire Will et de prouver qu'il est un homme aux yeux de son père. Comme dans les Atrides, tout ce petit monde s'entretue.

La notion de héros est donc particulièrement mise à mal. Stewart contribue simplement à accélérer un processus fatal qui de son propre aveu était en route bien avant son arrivée. Sa motivation qui est de venger son jeune frère tué par un fusil à répétition qu'un trafiquant a fourni aux Apaches devient l'occasion d'en détourner tous les codes. Il subit agression sur agression sans jamais les provoquer, la violence gratuite le dégoûte, il laisse la vie sauve au responsable de la mort de son frère, le duel avec le père tourne au fiasco ce dernier étant aveugle et Will blessé à la main. "La vengeance ne vous va pas" lui dit-on au début du film et la suite le prouve ce qui offre une variation intéressante sur un thème archi rebattu sans parler de la profondeur de caractère des protagonistes. L'homme de la plaine comme les autres films du cycle est un grand western introspectif qui offre une véracité documentaire sur le far west.

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