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Articles avec #western tag

Greater love hath no man

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1911)

Greater love hath no man

"Greater love hath no man" est un court-métrage qui appartient à la période américaine de Alice Guy, on reconnaît d'ailleurs le logo de la Solax, le studio qu'elle a fondé en 1910 dans le New Jersey, là où se trouvaient alors la plupart des sociétés de production. La côte nord-est était alors le centre de gravité du cinéma américain (à l'image de l'ensemble de l'économie américaine), avant qu'Hollywood ne prenne le relais en même temps que le développement économique de la côte ouest.

"Greater love hath no man" est un western teinté de romance qui se situe au Nouveau-Mexique mais qui a été tourné comme on peut s'en douter en observant la végétation dans le New-Jersey, tout comme les premiers films de D.W. Griffith auxquels il fait penser. Dans cet univers d'hommes, une femme se distingue, Florence qui tombe amoureuse du nouveau contremaître au grand dam de Jake, son ancien fiancé. Cependant celui-ci va faire preuve d'héroïsme alors que les mineurs mexicains estimant qu'ils n'ont pas été assez payés pour l'or qu'ils ont extrait se font menaçants. Le simplisme de l'intrigue qui oppose les méchants mexicains aux vaillants colons américains ainsi qu'à l'armée de l'oncle Sam fait sourire ainsi que la théâtralité du jeu des acteurs, néanmoins le film est en pointe sur le plan des innovations techniques et n'a rien à envier à ceux que D.W. Griffith réalise au même moment et au même endroit (tournage en décors naturels, utilisation de la profondeur de champ, mouvements dans le cadre, montage alterné etc.)

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Les Rapaces (Greed)

Publié le par Rosalie210

Erich von Stroheim (1924)

Les Rapaces (Greed)

"Je considère que je n'ai fait qu'un seul vrai film dans ma vie… et personne de l'a vu". En fait la phrase de Erich von Stroheim est inexacte puisque 12 personnes ont assisté à la projection de l'intégralité du film soit 9h en 1924. Conscient que c'était une durée inexploitable, il accepta de raccourcir son film mais pas suffisamment aux yeux de la MGM qui lui enleva le final cut. Il faut dire qu'il avait commencé son film sans savoir qu'il allait être une victime de la concentration d'entreprises avec entretemps la fusion de la Goldwyn Pictures pour laquelle il travaillait avec la Metro et la Louis B. Mayer Pictures. La version qui nous reste aujourd'hui de ce chef-d'oeuvre considéré à juste titre comme l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma est amputée de plus de moitié par rapport à la dernière validée par Erich von Stroheim soit 2h au lieu de 4 à 5h. Les scènes coupées qui semblent définitivement perdues (mais elles sont activement recherchées et qui sait, un jour peut-être on les retrouvera comme on a retrouvé celles de "Metropolis") sont remplacées par des photographies et des intertitres soit intercalés dans le film à l'emplacement où elles auraient dues être soit regroupées à part sur les bonus du DVD. Elles montrent que c'est surtout la première partie du film qui a pâti des coupes car elle est très affadie par rapport à ce qu'elle aurait dû être. Par exemple elle était beaucoup plus explicite sur l'atavisme familial du personnage principal. La deuxième partie en revanche peu presque se passer d'une reconstitution tant elle est puissante telle qu'elle est.

Contrairement aux autres films de Erich von Stroheim, centrés sur des aristocrates voire des têtes couronnées dégénérées, "Greed" se situe dans le milieu des petites gens. Il s'agit en effet de l'adaptation d'un roman naturaliste de Frank Norris, "Mc Teague" publié en 1899, pionnier du genre aux USA. Celui-ci par son histoire de déchéance fait beaucoup penser à "l'Assommoir" de Emile Zola, auteur-référence de Frank Norris. Il montre comment les pulsions primitives et les atavismes familiaux et environnementaux triomphent du vernis éducatif et civilisationnel inculqué aux individus pour s'emparer d'eux et les dévorer. De façon très symbolique, le roman et le film commencent dans une grande ville et se terminent dans le désert. Ils mettent en lumière les soubassements de la société américaine où puritanisme religieux et soif de l'or vont de pair, le deuxième servant de compensation névrotique aux frustrations imposées par le premier. De fait le "Greed" de Erich von Stroheim oscille souvent entre le trop et le trop peu, l'excès et la pénurie. Excès d'argent/pénurie de sexe, excès de nourriture/pénurie d'eau, excès d'alcool/pénurie d'argent etc. Bien que la délation attribuée à Marcus (Jean Hersholt) marque le début de la déchéance du couple formé par Trina (Zasu Pitts) et Mc Teague (Gibson Gowland), le ver est dans le fruit dès leur mariage. D'abord parce qu'on a vu dans la première partie la répugnance de cette dernière vis à vis des contacts physiques que lui impose Mc Teague ce qui ne laisse pas présager une sexualité épanouie, ensuite parce qu'on lui annonce qu'elle a gagné 5000 dollars à la loterie, 5000 dollars qui deviendront un objet de convoitise (pour lui et pour Marcus) et de rétention (pour elle), passions poussées jusqu'à la folie et à la mort, enfin parce que le mariage se termine par un banquet gargantuesque où la nourriture est engloutie aussi voracement que les mains qui plongent frénétiquement dans les pièces d'or. Par la suite, lorsque la déchéance du couple s'accentue, elle frappe également des objets au statut symbolique dont nous suivons le parcours. Dans la version filmée qui nous reste, on voit ainsi la photo de mariage subir des dégradations, se déchirer en séparant les deux membres du couple pour finir à la poubelle. Sur les photographies donc dans les scènes coupées, la dent en or offerte à Mc Teague pour servir d'enseigne à son activité de dentiste termine vendue à un confrère pour une bouchée de pain. Enfin le canari femelle meurt à peu près en même temps que Trina alors que Mc Teague emporte le mâle jusqu'au bout de son voyage dans la très symbolique Vallée de la mort. Le fait d'avoir tourné en décors naturels renforce considérablement la puissance du film que ce soit pour la reconstitution de la vie de quartier dans la ville de San Francisco ou pour le duel final dans le désert au milieu de conditions extrêmes.

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Bamako

Publié le par Rosalie210

Abderrahmane Sissako (2006)

Bamako

L'introduction du film qui se situe avant le générique a valeur de déclaration d'intention. Un témoin qui n'a pas été appelé à la barre souhaite s'exprimer "La parole c'est quelque chose. Quand tu l'as sur le cœur, ça te saisit. Si tu ne la sors pas, ça ne va pas (…) Ma parole ne restera pas en moi".  Le juge lui signifie alors que ce qu'il a sur le coeur, il pourra le dire le moment venu. Ce témoin symbolise la société civile africaine à qui Abderrahmane Sissako offre une tribune sous forme d'un procès fictif l'opposant aux institutions internationales dominées par les pays du Nord (et en premier lieu les Etats-Unis) pour qu'elle puisse exprimer ses doléances.

"Bamako" est donc un film engagé contre une mondialisation qui ressemble à une néo-colonisation de l'Afrique par une association de malfaiteurs déguisés en bon samaritains de la finance qui après avoir laissés leurs débiteurs s'endetter n'ont plus qu'à les prendre à la gorge pour s'enrichir à leurs dépends. Il dénonce  en effet particulièrement les désastreux effets des politiques libérales d'ajustement structurel du FMI et de la BM qui ont mis sous tutelle la politique budgétaire des Etats africains pour en affecter jusqu'à 60% au remboursement de la dette au détriment des services publics, à commencer par la santé et l'éducation. La privatisation de ces services ainsi que l'obligation qui leur a été faite de s'ouvrir au commerce international et aux investissements des firmes transnationales a permis à ces dernières de faire main-basse sur les ressources en profitant de la faiblesse des Etats.  Il montre ainsi comment la dette prive ces pays de tout espoir de développement, les faisant même régresser jusqu'au désastre social et écologique.

L'originalité du film provient d'un jeu permanent entre la fiction et le documentaire, le vrai et le faux. De vrais professionnels de la justice (occidentaux comme africains) mènent le procès et les témoins apparaissent le plus souvent sous leur véritable identité. Mais Sissako s'amuse à brouiller les frontières. Tout d'abord en ayant lieu dans un lieu improbable (la cour de la maison d'enfance du réalisateur à Bamako habitée par plusieurs familles), le procès se déroule au beau milieu des événements de la vie quotidienne (un mariage, des travaux ménagers et artisanaux, un infirmier qui vient soigner un malade, des prières, un vendeur de lunettes contrefaites, des enfants en bas âge qui circulent au milieu de l'assemblée). Ensuite il laisse son film de procès se laisser traverser par d'autres genres qui illustrent le même problème. Tout d'abord le drame conjugal d'un couple qui se défait, celui de Mélé une chanteuse de bar (Aïssa Maïga) et de Chaka (Tiécoura Traoré), un homme brisé par le chômage et la pauvreté. Ensuite une séquence parodiant le western spaghetti, "Death in Timbuktu" où les représentants des banques internationales sont des cow-boys qui "nettoient" les villages de leurs trop-plein d'instituteurs, malades, femmes enceintes etc. Enfin le crime pour lequel les institutions internationales sont jugées n'existant pas (encore) dans le droit international, Sissako fait en quelque sorte un film d'anticipation où il prophétise une Afrique demandant des comptes aux pays du Nord dans un contexte où les effets négatifs de la mondialisation (terrorisme, catastrophes écologiques et émigration massive) se font de plus en plus sentir, leurs premières victimes étant issues des pays pauvres.

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Mad Max 2: Le Défi (Mad Max 2)

Publié le par Rosalie210

George Miller (1981)

Mad Max 2: Le Défi (Mad Max 2)

Le premier volet ancré dans la crise des seventies imaginait l'effondrement d'une civilisation confrontée à la montée de la violence en même temps que le basculement de l'un de ses membres dans la barbarie après le massacre de sa famille. Le deuxième réalisé deux ans plus tard au début des années 80 radicalise encore plus les effets du second choc pétrolier en faisant de l'essence le nerf d'une guerre sans merci entre factions rivales dans un monde post-apocalyptique désormais livré à l'anarchie. Quand à Max (Mel GIBSON), il a perdu son apparence proprette de père de famille sans histoire pour revêtir l'allure hirsute et dépenaillée d'un survivor de la route. La jambe estropiée et le regard vide, il s'est transformé en bad boy aussi taciturne, solitaire et taiseux que "l'homme sans nom" auquel il fait désormais penser. Il s'est tellement deshumanisé qu'il en arrive même à manger de la nourriture pour chien. C'est donc en mercenaire (au Japon, on le qualifie d'ailleurs de rônin) qu'il vient proposer ses services à une petite communauté retranchée dans une ancienne raffinerie assaillie par des apaches punks au look SM. Le cadre est posé, place à l'action.

Plus que jamais dans ce film au budget multiplié par 10 par rapport au précédent George MILLER a pu se permettre de réécrire le western à l'aune d'un genre qu'il a aidé à sortir de terre, celui du film post-apocalyptique. Les morceaux de bravoure sont dignes dans leur mise en scène du " Massacre de Fort Apache" (1948) et de la " Chevauchée fantastique" (1939) pour la grande poursuite finale, parfaitement chorégraphiée et exécutée. La sensation d'immersion est remarquable aussi bien lorsque l'on est au ras du sol que lorsqu'on plane dans les airs avec le gyro captain interprété par Bruce SPENCE). A un canevas mythologique d'inspiration universelle (un héros, une quête, des épreuves) inspiré du livre de Joseph Campbell "Le héros aux 1001 visages", George MILLER ajoute une bonne dose de nihilisme issue du premier volet et quelques effets de couleur locale: le passage d'un kangourou qui confirme la géographie australienne du film et le personnage de l'enfant sauvage (Emil MINTY) inséparable de son boomerang tranchant. On peut tout au plus reprocher au film quelques effets visuels qui ont mal vieilli notamment dans l'introduction (tout comme certains costumes trop connotés eighties pour ne pas être devenus kitsch aujourd'hui).

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Mad Max

Publié le par Rosalie210

George Miller (1979)

Mad Max

C'est le film qui a révélé au monde entier que les routes australiennes ressemblaient plus aux "Règlements de comptes à O.K. Corral" (1957) qu'à des moyens de déplacement bucoliques ^^. La genèse de "Mad Max" est en effet liée aux visions d'horreur d'un médecin urgentiste de l'hôpital de Sydney témoin de nombreux carambolages dans sa région natale et chargé de constater les décès ou de réparer les blessures des corps fracassés par la violence routière, les "accidents de la route" en Australie étant en réalité le plus souvent des meurtres plus ou moins déguisés. Ce médecin urgentiste n'était en effet autre que George MILLER qui a donc eu l'idée de traduire cette réalité extrême (visible dans le film au travers des plans des corps suppliciés des proches de Max qui servent de moteurs à sa vengeance) en univers de fiction futuriste post-apocalyptique.

Mais entre autre en raison de son tout petit budget, le genre prédominant dans ce premier volet est le western (avec le road movie). Un western dopé au carburant que l'on s'arrache à prix d'or (bien que situé dans le futur, c'est le choc pétrolier de 1973 qui a servi de cadre de référence) et à diverses autres substances (voir le moment où en arrière-plan les motards décrochent un ballon en forme d'éléphant rose ^^) mais où l'on retrouve tous les poncifs du genre: courses-poursuites entre hors la loi et shérifs, scène de la gare où les bandits viennent chercher l'un des leurs (référence notamment au "Le Train sifflera trois fois" (1952) dont s'est ensuite inspiré Sergio LEONE pour l'ouverture de "Il était une fois dans l'Ouest") (1968), scène d'arrivée de la horde de motards dans un bled paumé où ils terrorisent la population après avoir garé leurs engins à la manière des cow-boys se rendant au saloon. Et puis surtout et je dirais même avant tout, il y a cette course-poursuite filmée sous acide servant d'introduction au film montrant en montage alterné la naissance d'un héros de manière aussi puissante que le surgissement de John WAYNE dans "La Chevauchée fantastique" (1939). "Mad Max" s'avère être également de ce point de vue un film d'anticipation en présentant un petit jeune d'une vingtaine d'années alors inconnu comme une méga star rock and roll en total look cuir (la plupart des autres ont dû se contenter de combinaisons synthétiques, budget oblige) et lunettes noires: Mel GIBSON a ainsi eu droit à une entrée fracassante dans l'histoire du cinéma. Cependant il incarne un John WAYNE plus proche de "La Prisonnière du désert" (1956) que du film marquant sa première collaboration avec John FORD, c'est à dire un personnage pratiquant une justice privée aussi barbare que la violence déployée par ceux qu'il poursuit. La frontière entre justice et vengeance est d'ailleurs d'autant plus ténue que l'Etat dans "Mad Max" est en déliquescence complète (et non embryonnaire comme dans les western classiques).

De façon plus générale, le brio de la mise en scène est tel qu'il permet d'oublier les faiblesses du scénario (surtout perceptibles dans la seconde partie) et l'aspect cheap du tournage. George MILLER gère également de manière intelligente la violence inhérente à l'histoire. Celle-ci est davantage suggérée que montrée et se ressent plus par un climat de tension et d'angoisse que par une surenchère de gore à l'écran. 

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Duel au soleil (Duel in the Sun)

Publié le par Rosalie210

King Vidor (1946)

Duel au soleil (Duel in the Sun)

"Duel au soleil" est le "Autant en emporte le vent" (1939) du western. On retrouve l'esthétique chromo, le souffle épique, l'exacerbation des émotions, le faste et le gigantisme de la mise en scène, une histoire ayant pour cadre une famille de propriétaires terriens (boniche noire pittoresque incluse) confrontés à des bouleversements historiques qui remettent en cause leur statut et leurs biens. L'unité n'est pas à rechercher du côté des nombreux réalisateurs qui se sont succédés mais du producteur David O. SELZNICK qui a supervisé l'ensemble et imposé sa muse, Jennifer JONES qui est de tous les (gros) plans ou presque dans le rôle de Pearl la métisse débordante de sensualité. Ça ne rend pas le film moderne pour autant, au contraire. Celle-ci nous est présentée comme un petit animal sauvage à éduquer, par les hommes bien entendu. Elle devient donc la proie de leurs fantasmes, un jouet entre leurs mains. Selon la vision patriarcale et pleine de clichés du film, elle n'a que deux destins possibles, bonne sœur ou putain. La religion étant ridiculisée au travers d'un pasteur illuminé et du personnage effacé de Laura Belle joué par Lillian GISH, on voit vite que c'est la deuxième option qui l'emporte. Érotisé à l'extrême, le corps de Pearl est l'objet de plans complaisants bien libidineux censés provenir de Lewt (Gregory PECK), le fils cadet de sa famille d'accueil. Celui-ci est tellement odieux qu'on a du mal à comprendre pourquoi cette sauvageonne rebelle est à ce point sous son emprise. Dès qu'il pose les yeux sur elle, il estime qu'elle est sa propriété et il la traite en conséquence: il la prend de force (mais elle n'attendait que ça, culture du viol oblige), l'empêche de s'échapper en neutralisant tous ses rivaux (y compris son frère aîné, le politiquement correct Jesse joué par Joseph COTTEN qui prétend l'aimer mais finit par épouser une jeune bourgeoise blanche bien sous tous rapports) et en même temps refuse de s'engager au nom de la sacro-sainte liberté du mâle et des préjugés racistes du père (un gros frustré impuissant joué par Lionel BARRYMORE). La fin censée être un summum de tragédie flamboyante où les deux amants s'entretuent fait aujourd'hui un peu pitié
tant elle est kitsch et datée. Pearl n'en finit pas d'agoniser (tout en grimpant les rochers pour mourir dans les bras de Lewt, quelle vraisemblance!) alors que Lewt se transforme tout à coup en amant maudit comme si la mort allait l'absoudre de la responsabilité de ses actes criminels.

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Le Vent (The Wind)

Publié le par Rosalie210

Victor Sjöström (1928)

Le Vent (The Wind)

Au XIX° siècle, Letty (Lillian GISH) est une jeune femme raffinée et coquette qui quitte le cocon de sa Virginie natale pour se rendre dans le ranch de son cousin situé dans le Far West. Un autre monde, un monde encore indompté, rude, âpre et sauvage auquel elle n'est pas préparée. Dans ce monde, le vent est omniprésent, lancinant, obsédant, il dicte sa loi aux hommes lorsqu'il prend l'aspect de violentes tornades ou lorsqu'il s'infiltre insidieusement dans le train et dans la maison qu'il recouvre de poussière. On ne l'entend pas, on le sent, on le ressent grâce à la puissance expressive des images et de la musique. L'omniprésence du vent et de la poussière dans le film est une traduction de cette prise de pouvoir de la nature sur la culture et du glissement imperceptible de la réalité vers les profondeurs de l'inconscient, le film se situant à la lisière du fantastique et prenant la forme d'un long rêve éveillé.

Au contact de cette nature déchaînée Letty "s'ensauvage" et libère ses émotions profondes et ses pulsions enfouies: la métaphore de la chevelure dénouée et du pistolet chargé se rejoignent dans le même maelstrom de désir et de mort, les deux mystères les plus insondables de la nature humaine. Elle affronte également au corps à corps celles des autres qui se révèlent dans toute leur crudité: la jalousie viscérale (la carcasse qu'elle vide est tout à fait éloquente) de la femme de son cousin (Dorothy CUMMING) et la bestialité de Roddy (Montagu LOVE), le vendeur de bétail (!) dont l'apparence avenante cache un féroce prédateur. A l'inverse, Lige (Lars HANSON), le cow-boy frustre qu'elle épouse par défaut dissimule sous sa gaucherie une noblesse d'âme insoupçonnée. C'est lorsqu'il veut l'aider à reprendre sa liberté qu'elle s'attache à lui et tente de dompter sa peur (du vent, des chevaux, de la sexualité). Car ne voir que bassesse, noirceur et tragédie dans ce film c'est passer à côté de son autre dimension. La nature se nourrit de l'équilibre des contraires si bien qu'en accepter le versant négatif permet d'accéder également au versant lumineux. "Le Vent" n'est pas qu'un déchaînement de pulsions c'est aussi un grand film d'amour. Un amour qui ne peut s'épanouir que dans le renoncement à la possession. Il est une élévation, un dépassement de son petit moi égoïste pour embrasser l'infini du cosmos. Letty aurait pu ne pas survivre à l'épreuve, perdre la raison et errer dans le désert Mojave comme Travis dans "Paris, Texas" (1984). C'était la première fin envisagée. Mais la voir ouvrir grand sa porte et écarter ses bras pour accueillir la force du vent à la manière de la figure de proue du "Titanic" (1997) est tout aussi puissant.

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Il était une fois la Révolution (Giù la Testa)

Publié le par Rosalie210

Sergio Leone (1971)

Il était une fois la Révolution (Giù la Testa)

A l'inverse des puristes, j'adore ce qui est hybride. Par conséquent, je suis totalement fan du film "bâtard" qu'est "Il était une fois la Révolution", film charnière de sa trilogie sur l'Amérique mais dont l'un des autres titres "A Fistful of Dynamite" suggère le prolongement avec la trilogie du dollar. De fait le début de "Il était une fois la Révolution" rappelle l'univers picaresque de ses westerns, surtout "Le Bon, la brute et le truand" (1966). L'histrion Juan Miranda (Rod STEIGER) ressemble beaucoup à Tuco (le rôle avait été d'ailleurs écrit à l'origine pour Eli WALLACH) alors que son partenaire John Mallory (James COBURN) adopte le flegme canaille du clown blanc Blondin. Mais déjà dans "Le Bon, la brute et le truand" (1966) on notait un net infléchissement de la bouffonnerie vers le drame historique lorsque les deux compères étaient malgré eux plongés en pleine guerre de Sécession. Et le personnage truculent de Tuco acquérait une dimension chaplinesque de vagabond solitaire lorsqu'il était confronté à son frère. C'est la même chose, de façon plus ample et plus approfondie dans "Il était une fois la Révolution". Bien que très drôle, la scène du pillage de la diligence est également nourrie par une rage sociale que la mise en scène de Leone amplifie. Il faut voir ces bourgeois dont Leone filme l'aspect animal et carnassier avec de gros plans sur leurs bouches voraces vomir leur haine des pauvres et des minorités en aboyant à qui mieux mieux des "brutes, "imbéciles", "nègres" et "animaux" à l'adresse de Juan Miranda qui s'est glissé parmi eux. Les voir finir à poil dans la porcherie a tout de la revanche cathartique ("les bourgeois, c'est comme les cochons"). Juan Miranda passe d'ailleurs très rapidement même si c'est involontairement du statut de bandit à celui de héros au cours de la scène du braquage de la banque de Mesa Verde dont il ne sait pas qu'elle s'est transformée en prison politique (contrairement à John Mallory qui le manipule). Au lieu d'y trouver de l'or, il libère plus d'une centaine d'opposants. Cette scène est de l'aveu même de Leone directement inspirée de celle du film de Charles CHAPLIN "Les Temps modernes" (1936) où le Vagabond y devenait par hasard le porte-drapeau des chômeurs.

Mais la véritable rupture de ton survient lorsque la guerre s'invite dans le film au travers de l'impitoyable répression des opposants. Celui-ci bascule alors dans la tragédie. Car ce que Leone ravive, ce n'est pas la révolution mexicaine des années 1910 mais le traumatisme des massacres perpétrés en Italie par les nazis en 1943 et 1944 et plus largement, toutes les grandes tueries du XX° siècle. Si l'une des fusillades fait penser au tableau de Goya "Tres de Mayo", la liquidation de centaines d'opposants dans des fosses fait penser à la Shoah par balles en URSS. Pour enfoncer le clou de la liquidation finale, le chef des troupes (Antoine SAINT-JOHN) porte un nom allemand, Günther. Face à ce rouleau compresseur impitoyable, John et Juan se radicalisent et révèlent leur nature profonde. Le premier apparaît de plus en plus comme un desperado nihiliste embarqué dans une odyssée suicidaire. Les flashbacks cotonneux de son passé d'activiste de l'IRA en Irlande révèlent qu'il a tué son meilleur ami qui l'avait trahi avant de partir en exil. Ce passé le hante comme si c'était une partie de lui-même qu'il avait tué (interprétation renforcée par le fait que le prénom "Sean" au cœur de la superbe BO de Ennio MORRICONE peut aussi bien être son vrai prénom que celui de son ami et qu'ils aiment la même fille qui peut également représenter leurs idéaux). C'est avec une profonde ironie que John Mallory dit à Juan que le docteur Villega (une troisième version de "Sean" joué par Romolo VALLI) est mort "en grand héros de la révolution". Car peu de temps auparavant il avait envoyé à la mort la plupart de ses camarades en parlant sous la torture. Que lui reste-t-il à part le suicide kamikaze pour se racheter? Quant à Juan, il change profondément après le massacre de ses six fils ("Pour la première fois je les ai comptés" peut se traduire par "pour la première fois, ils ont compté pour moi"). Bien qu'il hésite lorsque le gouverneur lui offre un trésor en échange de sa vie, il choisit de liquider le gouverneur. La perte de son ami le laisse seul au monde.

Et toute cette destruction pour quoi au final nous dit un Leone profondément désenchanté: pour que des puissants prennent la place d'autres puissants, les pauvres jouant le rôle de dindons de la farce. Toute révolution se bâtit sur un malentendu, tout gouvernement issu d'une révolution est fondé sur une trahison: "La révolution ? C’est quand ceux qui savent lire vont voir ceux qui savent pas lire et leur disent qu’il faut tout changer. Les pauvres bougres se mettent au boulot. Puis, le boulot fait, ceux qui savent lire se réunissent, puis parlent, puis bouffent, puis parlent, puis bouffent. Pendant ce temps-là, les pauvres, eux, ils sont morts. Et après, eh bien tout recommence comme avant !" Une diatribe qui vaut aussi pour les Etats-Unis, eux aussi nés d'une révolution.

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Deux hommes dans l'ouest (Wild rovers)

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1971)

Deux hommes dans l'ouest (Wild rovers)

Si "Deux hommes dans l'ouest" est le seul western réalisé par Blake Edwards, il ne faut pas croire pour autant que ce dernier était un novice dans le genre. Il avait en effet scénarisé et/ou joué dans plusieurs westerns au début de sa carrière. Si "Deux hommes dans l'ouest" est aussi peu connu c'est qu'il a souffert des démêlés entre le réalisateur et les studios MGM qui ont massacré sa grandiose fresque de trois heures. Le film a été amputé de plus d'une heure, la fin a été changée, des ralentis superflus ont été rajoutés. Tout cela n'a pas sauvé le film qui fut un échec commercial. Une version plus fidèle a la volonté du réalisateur a vu le jour en 1986 qui est celle qui est aujourd'hui visible mais celle de trois heures est à jamais perdue. On en voit les traces dans une composition en actes avec ouverture et entracte qui peut faire penser par exemple à "2001, l'Odyssée de l espace" (1968) de Stanley KUBRICK. Lequel est également indirectement présent au travers de l'acteur Ryan O NEAL quatre ans avant qu'il ne tourne "Barry Lyndon" (1975). Quant à William HOLDEN, il avait tourné deux ans auparavant "La Horde sauvage" (1969) dans un rôle assez proche. De fait "Deux hommes dans l'ouest" aurait pu être tourné par Sam PECKINPAH tant il rappelle son style.

En effet ce film couturé mérite le détour. D'abord parce qu'il est parfaitement interprété, ensuite parce qu'il traduit l'esprit d'une époque hippie et punk de façon remarquable. William HOLDEN et Ryan O NEAL campent deux cow-boys liés par une solide amitié à caractère filial qui décident de tout plaquer du jour au lendemain. Après avoir dérobé l'argent de la banque, ils se lancent dans une odyssée où ils peuvent enfin étancher leur immense soif de liberté (scène magnifique où Ross apprivoise un cheval sauvage tandis que Frank fait des cabrioles dans la neige). Mais avec les fils revanchards de leur ancien patron à leurs trousses qui incarnent une sorte de fatalité, on sent bien que cette échappée belle finira mal. D'autant que les deux hommes n'ont rien de truands en cavale. Leur disposition pour le banditisme est tellement nulle que Ross dédommage le banquier les autres ouvriers avant de s'enfuir avec le reste de l'argent tandis que Frank ne trouve pas mieux d'embarquer un chiot dans sa fuite, tellement il le trouve mignon. La suite est à l'avenant: ils flânent, planent, profitent de l'instant, suivent leurs envies avec une insouciance qui leur sera fatale. Une fatalité accueillie d'ailleurs avec une étrange résignation comme si c'était le prix à payer pour ces quelques moments de liberté et qu'il n'y avait rien d'autre à espérer de la vie que des rêves impossibles à concrétiser. Un état d'esprit nihiliste très seventies qui donne à ce western pourtant souvent frais et joyeux une teinte crépusculaire.
 

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Meurtre à Hollywood (Sunset)

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1988)

Meurtre à Hollywood (Sunset)

Blake EDWARDS s'amuse avec l'âge d'or d'Hollywood, ses paillettes et ses scandales. Le film est une satire qui entremêle les genres (western, polar, comédie burlesque) et de nombreuses références: il fusionne Chaplin et Hearst dans le personnage d'acteur et producteur Alfie Alperin joué par Malcolm McDOWELL, il fait revivre la rencontre entre le premier cow-boy de l'histoire du cinéma Tom Mix (Bruce WILLIS) et le marshall Wyatt Earp (James GARNER) qu'il doit interpréter au cinéma, il fait allusion à l'affaire du viol et du meurtre de Virginia Rape, faits pour lesquels Roscoe ARBUCKLE a été injustement accusé ainsi que d'autres affaires de décès non élucidées (le réalisateur Thomas Ince, l'actrice Natalie Wood), il recréée la première cérémonie des Oscars. Le titre en VO et l'époque (passage du muet au parlant) peuvent faire penser à "Sunset boulevard" de Billy Wilder qui évoquait les remugles nauséabonds du même microcosme. La phrase répétée telle un mantra "tout est vrai, à un ou deux mensonges près" évoque la fameuse citation du film de John FORD, "L Homme qui tua Liberty Valance" (1962) "Entre la légende et la vérité, imprimez la légende".

Bref, sans être un grand film (car la charge satirique est plus ludique que sérieuse et l'intrigue est volontairement confuse pour coller aux polars de type Chandler), "Meurtre à Hollywood" vaut mieux que ce que sa réception à l'époque de sa sortie (où il avait raflé un "razzie award") peut laisser penser. C'est juste un divertissement certes, mais haut de gamme.

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