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Articles avec #virginia woolf tag

Vita et Virginia (Vita and Virginia)

Publié le par Rosalie210

Chanya Button (2018)

Vita et Virginia (Vita and Virginia)

Les critiques peu encourageantes m'avaient dissuadée d'aller le voir à sa sortie au cinéma. La réalisatrice, Chanya BUTTON a tenté de bousculer un peu les codes du biopic classique en s'inspirant du caractère expérimental du film de Sally POTTER, "Orlando" (1992). Néanmoins le scénario, pas assez tenu, s'éparpille et mieux vaut connaître à fond non seulement l'histoire de Virginia Woolf mais le contexte dans lequel elle a vécu pour comprendre les tenants et les aboutissants du film. Par exemple il est mentionné à un moment la relation entre Dora Carrington et Lytton Strachey que je connais grâce au film avec Emma THOMPSON mais dans le cas contraire ça passe au-dessus de la tête du spectateur. On peut en dire autant en ce qui concerne la souffrance de Vita de n'avoir pu hériter du manoir familial de Knole, mieux vaut avoir été briefé par "Downton Abbey" (2010) pour comprendre les règles de l'héritage de l'époque. De façon plus générale, les thématiques féministes (être femme et écrivain, être une épouse de diplomate et aspirer à l'autonomie etc.) sont trop brièvement explorées. Bref le film semble davantage d'adresser à des connaisseurs qu'à des spectateurs lambda tout en effleurant à peine son vrai sujet qui est le mystère de la création. J'ai eu beaucoup de mal à croire à la passion entre Virginia et Vita (expédiée en deux-trois scènes) et surtout à comprendre en quoi celle-ci a pu inspirer "Orlando" à Virginia Woolf. Néanmoins le film se laisse voir, surtout grâce au jeu des actrices (Elizabeth DEBICKI dans le rôle de Virginia et Gemma ARTERTON dans celui de Vita), toutes deux excellentes dans la peau de leurs personnages respectifs: une écrivaine de génie introvertie et névrosée et une aristocrate extravertie et séductrice. La meilleure partie du film repose sur leurs échanges qu'ils soient en direct ou par correspondance. Très bonne idée d'avoir filmé face caméra leurs visages en train de réciter le contenu des lettres au milieu d'un flou artistique car c'est dans cette intimité que le film fonctionne le mieux. Hélas, ce n'est pas assez.

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The Hours

Publié le par Rosalie210

Stephen Daldry (2002)

The Hours

"The Hours" était à l'origine le premier titre envisagé par Virginia Woolf pour son roman "Mrs Dalloway". En 1998, il est devenu le titre d'un roman de Michael Cunningham mettant en scène l'écrivaine au moment de l'écriture de son roman. Puis en 2002, Stephen DALDRY en a fait un film. Celui-ci est une réflexion aiguisée sur la place de la femme dans la société et sa difficile évolution. Il est construit selon un système d'échos (leitmotivs narratifs et visuels) entre trois histoires vécues par trois femmes de trois époques différentes que l'on suit en parallèle: celle de Virginia Woolf (Nicole KIDMAN) dans l'entre-deux-guerres (de la rédaction de son roman "Mrs Dalloway" à son suicide), celle de Laura Brown, femme au foyer lectrice de "Mrs Dalloway" dans les années 50 (Julianne MOORE dans un rôle très proche de celui qu'elle interprétait la même année dans "Loin du paradis" (2002) de Todd HAYNES) et enfin celle de Clarissa Vaughan (Meryl STREEP) qui incarne une "Mrs Dalloway" du XXI° siècle et a une relation privilégiée avec Richard, le fils de Laura Brown (Ed HARRIS). Si le segment contemporain n'est pas totalement convaincant (peut-être aurait-il fallu être plus tranchant dans l'évocation du thème de l'homosexualité et du sida qui est traité de manière allusive et doloriste) en revanche les deux autres parties sont passionnantes et remarquablement interprétées. Il ne faut pas réduire la performance de Nicole KIDMAN à son faux nez. C'est l'ensemble de son apparence qui exprime la souffrance de son personnage inadapté à son milieu. Ses cheveux décoiffés, sa robe mal ajustée et son air absorbé et rêveur sont à des années lumières du rôle social de maîtresse de maison bourgeoise qu'elle est censé incarner. Les scènes avec ses domestiques sont révélatrices du fait qu'elle ne sait pas tenir son rang et que de ce fait ils la méprisent et ont pris le pouvoir sur elle. On comprend son sentiment d'étrangeté, son mal-être profond, son échappatoire dans l'écriture, sa tentative de fuite et au final son suicide. Il en va à peu près de même pour Laura Brown. Comme Cathy dans "Loin du paradis" (2002), elle incarne l'épouse modèle de l'american way of life des années 50 ou plutôt la "desperate housewife" qui se cache derrière. Profondément dépressive devant la vacuité de sa vie, elle songe à se suicider et finit par fuir en abandonnant son mari et ses enfants derrière elle. Julianne MOORE est remarquable dans sa capacité à exprimer la souffrance intérieure de cette femme qui comme l'auteure du livre qu'elle lit se sent étrangère à son environnement et ne trouve que la fuite pour échapper à la mort. Mais comme toujours mort et sexualité vont de pair et si ces femmes sont dans un tel mal-être, ce n'est pas étranger à leurs penchants homosexuels réprimés dans les années 20 et 50 et lourdement surplombés par l'ombre du sida dans les années 2000.

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Orlando

Publié le par Rosalie210

Sally Potter (1992)

Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)
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Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)

"La même personne... Aucune différence! Juste un autre sexe" C'est dans une très symbolique psyché qu'Orlando contemple sa mue après une nouvelle semaine "d'hibernation". Un changement de peau, oui certainement mais en aucune façon un changement de personnalité. Plus l'histoire avance dans le temps (un temps qui n'a rien à voir avec la chronologie humaine puisque qu'il s'écoule près de 400 ans entre la Renaissance où débute le récit et la fin du XX° siècle où il s'achève), plus Orlando varie les expériences (divisées en chapitres d'une cinquantaine d'années chacun autour de la mort, l'amour, la poésie, la diplomatie, les mondanités, le sexe et la naissance) et progresse de façon à se rapprocher du centre de gravité de sa personnalité profonde en ignorant les frontières (sociales, sexuelles, temporelles). Par delà les mues de son identité transgenre, c'est aussi à une vision alternative de l'évolution de l'humanité que nous assistons, de la mort (les cadres-tableaux de la Renaissance en clair-obscur, les costumes-prisons, la nuit, la glace, les lois discriminatoires sur la transmission de la propriété en Angleterre durant le siècle victorien, la guerre) vers la vie (le paradis édénique de la nature ensoleillée frémissante, le visage extatique de Tilda Swinton accompagné de sa petite fille écoutant la voix de l'ange Jimmy Somerville en train d'interpréter le merveilleux "Coming"). Une vision tout à fait comparable à celle du musée historique d'Amsterdam qui se déploie sur sept siècles et où cohabitent deux histoires et deux parcours: l'officielle et "l'invisible", féministe et LGTB (signalée par de petites bornes arc-en-ciel sous les oeuvres). Les toilettes du musée ne sont d'ailleurs pas genrées (c'était alors une première dans un pays lui-même en pointe sur la question).

Orlando est effectivement ce film arc-en-ciel extrêmement réfléchi (sa genèse a pris presque une décennie) qui transpose délicatement l'expérience intime du livre de Virginia Woolf, personnalité à l'identité complexe et évolutive qui ne se reconnaissait pas dans la construction sociale binaire des genres. Orlando refuse d'ailleurs d'entrée le "he" de la voix-off narrative pour le "I" et le regard face caméra qui dit "essaye de m'assigner si tu l'oses". De fait dans "Orlando" si les repères de genre sont bouleversés, il le sont en parfaite adéquation avec l'histoire des arts. Le destin d'Orlando qui est au départ un adolescent d'allure androgyne se forge à l'époque élisabéthaine dont le théâtre (visible à travers un extrait d'une représentation de Othello) n'admettait aucune femme en son sein. Il est donc logique que dans la première période du film de Sally Potter, les rôles de femme en représentation y soient tenus par des hommes travestis, y compris celui de Elisabeth Iere (Quentin Crisp) qui fait de Orlando son favori et lui adjoint de traverser le temps sans vieillir, titre de propriété à l'appui, scellant ainsi sa première destinée. Les anges n'ont bien entendu pas de sexe, ni d'âge, et c'est en tant que tel qu'Orlando s'essaye à l'amour, la poésie puis à la diplomatie, sans succès, sa sensibilité réfractaire à la société patriarcale se heurtant à un monde dominé par des valeurs guerrières, corrompues, opportunistes etc. Sa transformation en femme la confronte à des entraves et des humiliations bien pires que celles qu'elle avait subi dans sa précédente identité. Au XVIII° les salons littéraires mondains étaient censés permettre aux femmes (de la haute société) de jouer un rôle culturel, social et politique mais elles devaient se confronter à un violent machisme (dont beaucoup d'aspects persistent de nos jours dans les cercles d'influence). Au XIX°, Orlando perd la propriété qu'elle avait acquise au XVI° parce qu'elle est reconnue définitivement femme et n'a pas d'héritier mâle. La rencontre entre Orlando et Shelmerdine (Billy Zane dans un réjouissant contre-emploi) se fait sur le modèle renversant ^^ de la scène du cheval de "Jane Eyre", le grand roman de Charlotte Brontë avec les bouleversements qui en résultent (dont la seule transposition pertinente se trouve dans la mini-série de 2006 réalisée par Susanna White, Toby Stephens alias Rochester jouant d'ailleurs Othello dans "Orlando"). Il est remarquable de constater à cet égard le respect de la représentation du corps féminin au naturel avec le maintien des poils axillaires (alors que dans l'art occidental, la pilosité féminine est taboue depuis l'antiquité et donc rarement représentée. Et quand elle l'est, elle fait scandale comme la "Olympia" de Edouard Manet). Enfin au XX° siècle, Sally Potter prolonge le roman de Virginia Woolf qui se terminait en 1928 (date de sa parution) jusqu'en 1992 (date de la sortie du film) pour évoquer comment Orlando survit à l'horreur de la guerre et enfante. Une petite fille, cela va s'en dire. Car l'avenir des hommes s'écrira au féminin n'en déplaise à certains ou il ne s'écrira pas du tout.

Orlando et Elisabeth Iere

Orlando et Elisabeth Iere

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